N°75 (3-2004)
|
Intégration dans le commerce international:
l’évidence du graphique triangulaire
UMR 6012 ESPACE - Université Montpellier III |
Le commerce international en 2000 représente 20% de la valeur des productions mondiales (Cnuced, 2003). Il a doublé en valeurs échangées entre 1988 et 1998 soit une augmentation d’environ 7% par an, alors que, dans le même temps, la production n’a augmenté que de 3%. Sur les dix dernières années, il est dominé, dans des proportions relativement constantes, par les pays développés: ils en concentrent les deux tiers tant aux importations (67% en 2001) qu’aux exportations (64% en 2001) (fig. 1). Traditionnellement très actif entre pays développés, le commerce s’est ouvert aux pays en développement: les flux de commerce entre les États-Unis, l’Europe (aussi intra-européen) et le Japon représentaient 59% de l’ensemble en 1988, et n’en représentent plus que 51,9% en 1998. En outre, la logique continentale reste primordiale, puisque la plupart des pays conservent des échanges majoritairement avec des pays de leur propre continent. Les échanges internes aux différentes grandes régions du monde représentent, en 2001, 52% du commerce mondial (Cnuced, 2003). Un graphique triangulaire (fig. 2, voir note méthodologique) montre la position de chaque pays dans la destination de ses exportations (a) et l’origine de ses importations (b) en 1990 et en 2001. La plupart des pays se situent dans les pointes extrêmes des triangles, c’est-à-dire qu’ils échangent majoritairement avec une des trois zones. Il s’agit de leur propre zone, avec quelques exceptions. Cuba est tourné, tant pour ses exportations que pour ses importations, vers l’Europe aux deux dates. C’est le cas aussi du Nigeria et de l’Angola qui exportent déjà en 1990 leur pétrole essentiellement vers l’Amérique, rejoints en 2001 par le Gabon et l’Irak, et même par le Cambodge (produits manufacturés). Toujours pour les exportations, des pays africains sont nettement orientés vers l’Asie et l’Océanie comme la Zambie aux deux dates, le Mozambique (en 1990 uniquement), le Soudan, le Congo et la Somalie (en 2001), essentiellement pour les produits alimentaires, les minéraux et métaux ou bien des produits énergétiques pour le Congo.
Pour les importations, on trouve également des pays africains qui importent majoritairement d’Asie. Le Liberia, dès 1990, puis en 2001 la Zambie, le Mozambique, le Zimbabwe et le Malawi importent, surtout d’Asie, des produits manufacturés. La plupart des pays du Proche et du Moyen-Orient se situent entre l’Europe et l’Asie, ce qui semble correspondre à leur position géographique intermédiaire entre ces deux zones. Les pays les plus ouverts aux trois zones, donc avec un commerce international équilibré au niveau mondial, se situent au centre des triangles. On y trouve essentiellement des pays asiatiques, africains ou américains, mais aucun pays européen. Les États-Unis, le Japon, le Brésil, l’Inde ou Israël, pour les exportations, sont les principaux pays «centrés» en volume d’échanges. Globalement, cette ouverture mondiale du commerce semble s’atténuer au cours de la période puisque, sur la représentation, cette zone centrale est moins dense en 2001 qu’en 1990. Cette atténuation se fait au profit du commerce intrazone qui s’est renforcé pour la majorité des pays. On observe sans doute là l’effet des traités facilitant le commerce à l’intérieur de zones commerciales qui se multiplient, comme l’Union européenne, la zone Euro ou l’AELE (Association européenne de libre-échange) en Europe, l’ALENA (Accord de libre échange nord-américain), l’ALADI (Association latino-américaine d’intégration), le FTAA (Zone de libre échange d’Amérique) ou le Mercosur (Marché commun austral) en Amérique, mais aussi en Afrique (9 zones d’accord) ou en Asie (6 zones d’accord). L’effet est particulièrement visible pour les pays les plus développés qui réduisent légèrement (ou n’augmentent que modérément) le commerce vers d’autres continents (notamment pour les importations) (fig. 3). On remarque toutefois que l’ensemble du continent américain se ferme davantage que les autres continents pour les exportations (sauf l’Équateur). Malgré ces quelques tendances continentales, l’évolution des pays à l’intérieur de chaque continent est très contrastée. Tous les cas de figures sont ici observés.
L’ouverture extracontinentale dans les deux sens (importation et exportation) concerne en Asie surtout le Cambodge, et dans une moindre mesure la Chine. En Afrique, cette ouverture qualifie notamment le Soudan, l’Angola et, de façon plus modérée, le Congo Brazzaville, le Mali et la Zambie. En Méditerranée orientale, l’Égypte et la Turquie observent également les deux types d’ouvertures. En Europe, l’Irlande est le seul pays à faire partie de cette catégorie. L’explication de ces ouvertures de longue portée du commerce n’est pas unique: parfois il s’agit de développements spectaculaires de la consommation et de la production de produits internationaux marquant une ouverture aux capitaux étrangers (Chine, Égypte). Dans d’autres cas, il peut s’agir de conflits avec les pays voisins les poussant à échanger préférentiellement avec des pays plus lointains (Soudan, Congo). La fermeture extracontinentale dans les deux sens (importation et exportation) s’observe au contraire dans des pays en restructuration, soit politique comme le Yémen ou l’Afghanistan (qui ont notamment refermé leurs exportations), soit économique comme les pays de la péninsule Arabique, l’Iran et, dans une moindre mesure, le Japon; soit pour les deux raisons en même temps comme la Russie, la Mongolie ou le Viêt-nam.
Les pays qui ont augmenté leurs exportations extracontinentales tout en réduisant leurs importations de même portée sont souvent des pays à fortes richesses énergétiques ou de matières premières subissant soit des boycotts économiques comme l’Irak, soit de fortes crises économiques comme le Bangladesh, le Sri Lanka ou le Burkina Faso. Les pays ayant augmenté leurs importations tout en réduisant les exportations extracontinentales ont des tissus industriels denses (avec un commerce mondial très équilibré sur l’ensemble des continents), mais aussi des inégalités sociales extrêmes (Inde, Brésil et Paraguay). Ces évolutions soulignent les politiques très contrastées du commerce international, combinant des éléments variés de niveau de développement, de niveau technologique, de spécialisation, de politique internationale et de relations culturelles. Néanmoins, l’illustration des graphiques triangulaires montre clairement la limite actuelle de la mondialisation qui apparaît plutôt dans la plupart des cas comme une «continentalisation» du Monde. |
Références bibliographiques Atlas du Monde diplomatique (2003), 194 p. DOLLFUS O. (2001). La Mondialisation. Paris: Presses de Sciences Po, 166 p. (2e éd. rev. et mise à jour). MANZAGOL Cl. (2003). La Mondialisation. Paris: A. Colin, 191 p. FREUDENBERG M., GAULIER G., UNAL-KENCO D. (1998) «La régionalisation du commerce international». Économie internationale, n° 74. Sites Web essentiels Organisation mondiale du commerce (OMC): http://www.wto.org Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (Cnuced): http://www.unctad.org Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE): http://www.oecd.org Centre d’études prospectives et d’informations internationales (CEPII): http://www.cepii.fr Centre du Commerce et du Développement (OMC et Banque mondiale): http://www.itd.org International Trade Center: http://www.intracen.org Sommet mondial sur le développement durable (en français): http://www.sommetjohannesburg.org Accord de libre échange nord-américain (ALENA): http://www.nafta-sec-alena.org |