Cette chronique n’annonce pas la sortie d’un manuel pratique sur l’utilisation optimale du GPS, ni des références de sites Web pour parfaire vos connaissances en matière de géolocalisation. Non, le terme d’art est ici à prendre dans son sens premier. La question est bien: peut-on faire de l’art avec un GPS? À l’heure où les «artistes» se transforment parfois en «performeurs» les techniques de positionnement par satellite et leurs reports cartographiques peuvent (peut-être) apporter leur petite pierre au fragile édifice de l’art contemporain. Ces techniques donnent visiblement l’occasion à quelques joyeux lurons qui ne tiennent pas en place de s’exprimer par la carte.
1. Starfighter à San francisco |
©Vicente Montelongo, 2009 (source: everytrail, Wollan, 2009) |
Le principe de départ est simplissime: on se déplace dans l’unique but de noter sa position par GPS. Les initiés diront que, bien sûr, on fait ça pour dessiner un parcours de randonnée, de VTT, pour ouvrir une nouvelle voie, pour visualiser un itinéraire ou même pour construire sa propre carte [1]. Que nenni.
Dans le cas qui nous occupe, le dessin que l’on réalise avec son déplacement est l’unique finalité. Latitudes et longitudes sont les limites du tableau. On lève le pinceau en arrêtant le moteur ou en levant la pédale (ou en arrêtant son GPS). C’est totalement inutile, parfaitement gratuit (en dehors des frais générés par le déplacement!), généralement invendable et réalisable par n’importe quel individu muni d’un GPS et qui a des fourmis dans les jambes.
Prenez votre vélo, mettez votre GPS en marche et promenez-vous. Si vous êtes nostalgique des premiers jeux vidéo vous pourrez, comme ici, dessiner un starfighter dans les rues de San Francisco (fig. 1).
On notera qu’il est difficile de ne pas dessiner des figures géométriques dans les villes américaines. Le plan à damier, pratique pour le trafic automobile, ne favorise pas la créativité artistique. Rien ne vaut une bonne vieille trame médiévale pour faire de bons dessins!
Parfois, le résultat est moins facile à identifier, le tracé du dessin semble aléatoire et on a plus de difficultés à reconnaître l’objectif «artistique» de l’auteur. Et pourtant… (fig.2)
2. Pour ceux qui cherchent ce qui est représenté: pensez à Harry Potter! |
©Wallygpx (Michael J. Wallace), 2010-2011 (source: wallygpx) |
Si, pour la plupart l’exercice reste (à juste titre) anecdotique, certains sont devenus de vrais «performeurs» de l’art par GPS, au point d’en inonder les galeries Internet. Le vététiste se mue en «gépéessiste» (un néologisme de plus ou de moins après tout!), le sportif devient artiste… ou presque, la palme revenant sans contexte à Michael J. Wallace sur son site.
Plus «scientifiques» dans leur démarche, certains réalisent de vraies performances sur la durée, comme ce dessin (est-ce déjà une carte?) du campus de l’université de Warwick issu d’un suivi GPS piéton durant 17 jours réalisé par Jeremy Wood en 2010. Si l’on se situe plus au niveau du «jeu de piste» la technique frise l’artistique, avouons-le (fig. 3).
3. Tracé GPS sur le campus de l’université de Warwick |
©Jeremy Wood, 2010 (source: gpsdrawing) |
On trouve toutes sortes de variantes, en fonction du véhicule porteur, parfois attendu (vélo, voiture…) ou beaucoup moins habituel: la figure ci-dessous a été réalisée — du moins c’est ce qu’annonce l’auteur — en ski nautique! Sans doute avec un GPS étanche. Reste qu’on a un peu de mal à comprendre comment ont été réalisés les yeux et les fanons (fig. 4).
4. Dessin par relevés GPS à partir d’un parcours en ski nautique – Jeremy Wood (encore lui!) et Hugh Pryor |
©Jeremy Wood, Hugh Pryor, 2003 (source: gpsdrawing) |
Tout moyen de déplacement associable à un GPS peut être mobilisé, y compris dans la troisième dimension. Témoins ces parcours de vols libres où ce que l’on ne croit être qu’un simple gribouillis devient, avec un peu d’imagination, l’élégant parcours d’hommes volants de la Royal Air Force (fig. 5).
5. Suivi GPS d’un parcours de vols libres |
©Royal Air Force Sport Parachute Association, 2002 (source: gpsdrawing) |
Une déception cependant: il semble que l’art spontané soit, pour l’instant du moins, en dehors du périmètre de l’exercice. Comme l’explique en effet Michael J. Wallace sur son site une préparation en amont est indispensable. Le vététiste-artiste s’appuie sur un dessin réalisé en amont et tiré sur papier avant de parcourir les rues ou les champs avec son GPS. L’exercice consiste alors simplement à faire des parcours repérés à l’avance en évitant sens interdits et impasses.
6. Parcours (artistique?) d’un chien muni de GPS |
©Jeremy Wood, 2002 (source: gpsdrawing) |
Suggérons donc à nos artistes du GPS trois directions fort intéressantes:
7. “My Ghost” de Jeremy Wood |
©Jeremy Wood, 2009 (source: Tagfinearts) |
Sources
TAG Fine Arts, contemporary Art Dealers & Publishers: http://www.tagfinearts.com
Jeremy WOOD: http://www.gpsdrawing.com/gallery.html http://www.tagfinearts.com/jeremy-wood.html
Michael J. WALLACE: http://www.wallygpx.com/
WOLLAN M. (2009). “The Big Draw of a GPS Run”. New York Times, 19 août 2009. (consulter)