Google Earth: de l’outil de visualisation à l’outil d'analyse spatiale dynamique, l'exemple de Navigocorpus
Contexte
Navigocorpus est une base de données historiques sur le transport maritime en méditerranée au XVIIe siècle. Elle a été réalisée dans le cadre du programme «Corpus et outils de la recherche en sciences humaines et sociales» de l’Agence nationale de la recherche (ANR). Elle contient les sources des archives portuaires et douanières dans leurs intégralités, sous la forme de fiches informant sur le type de navire, de cargaison, le nom du navire, celui de son capitaine, les étapes de l’itinéraire du navire et bien d’autres renseignements, le tout dans une base de données relationnelle. Elle est innovante car elle permet de dépasser les approches classiques des chercheurs dans le monde de l’échange maritime.
L’objectif de notre recherche a été de créer un outil permettant la visualisation des informations contenues dans cette base.
Technique
Notre application comporte trois couches principales:
Voici une description succincte de ces étapes. Tout d'abord, il faut exporter les informations sélectionnées dans la base en fichier CSV (format d’échange). Ensuite, un programme en langage Python formate cet export selon les paramètres fournis par l’utilisateur. Il crée des fichiers Keyhole Markup Language (KML). Enfin, Google Earth exploite ces fichiers qui contiennent, entre autre, une interface utilisateur permettant d’interagir avec lui (fig. 1).
1. Structure générale du programme |
L’utilisateur obtient ainsi une interface lui permettant d’effectuer les sélections qu’il veut afficher suivant différents critères (nom du capitaine, du bateau, type de cargaison, pavillon, etc., fig. 2).
2. L’interface utilisateur et le détail des choix de capitaines |
Il suffit ensuite de lancer l’animation à travers la commande du timeline de Google Earth (fig. 3).
3. Représentation du temps sur Google Earth |
Mise en œuvre
Cet outil offre deux possibilités. La première concerne la visualisation des informations contenues dans la base de données, en l’occurrence le trafic maritime. La vidéo 1 présente un exemple d’une sélection de trois navires.
4. Tampon de visualisation du navire |
Outre la visualisation des données, qui donne une vue d’ensemble du trafic maritime ou une magnification sur des bateaux particuliers, cette étape permet de mettre en lumière de possibles erreurs contenues dans la base de données (erreur dans les coordonnées de départ et d’arrivée lorsqu’un bateau «entre dans les terres» ainsi que dans les dates lorsque la vitesse d’un navire semble trop réduite ou excessive).
La deuxième possibilité propose à l’utilisateur une analyse spatiale dynamique. Sur la vidéo 1, on remarque des cercles entourant les navires. Ce sont des tampons (buffers) simulant ce que l’on peut voir depuis les navires (fig. 4). Leur taille, que l’utilisateur peut faire varier, dépend du type de navire (la hauteur du mât sur lequel se trouve la vigie la détermine).
Ainsi, un chercheur pourra valider ou non, grâce à cette analyse spatiale dynamique, ses hypothèses concernant les relations qu’auraient pu avoir des navires en se croisant (s’ils se sont vus, ils ont pu échanger). La vidéo 2 présente un exemple de deux bateaux se croisant.
Réserves scientifiques et perspectives
Certaines précautions sont à prendre en compte quant à l’utilisation de ce logiciel. Tout d’abord, ce n’est qu’un prototype. L’essentiel réside dans les possibilités qu’il offre, à savoir la visualisation d’une base de données historiques et l’analyse spatiale dynamique qui permet de mesurer la validité d’hypothèses. Ensuite se pose la question de la définition des routes maritimes. En effet, il est assez difficile de trouver des informations définissant avec exactitude (géoréférencement des trajets) les voies qu’utilisaient les navires. Cet aspect n’est pas du ressort du logiciel, il est dépendant de l’avancement des investigations du chercheur. Enfin, la vitesse des navires demeure un problème, car elle est considérée comme une moyenne sur l’ensemble de la route. Il est évident que la vitesse d’un navire n’est pas linéaire, mais soumise à un ensemble de conditions (météorologie, courants, vents …).
Ces mises en garde sont aussi les perspectives futures de cette recherche. Ainsi, il faudra:
Une ultime utilisation, en cours d’implémentation, devrait permettre de mesurer en temps réel le trafic portuaire par le biais d’un diagramme en barre accolé à chaque port.