Dictionnaire critique de la mondialisation
L’édition 2012, très largement enrichie et refondue du Dictionnaire de la mondialisation paru en 2006, sous la direction de Cynthia Ghorra-Gobin est désormais un Dictionnaire critique de la mondialisation. Les effets de la crise financière et économique de 2008 sont passés par là et, avec la crise, ceux d’un processus dont on saisit la pluralité des manifestations et qu’il est, de ce fait, plus difficile à qualifier: globalisation, mondialisation ou planétarisation? La sédimentation et l’évolution de la réflexion depuis la première édition sont rendues par la présence de deux introductions: celle d’origine et celle rédigée en 2012 où apparaît plus explicitement l’articulation entre la globalisation ou la «métamorphose du capitalisme émancipé du cadre national», la mondialisation définie comme «la reconnaissance […] de l’échelle mondiale pour comprendre et expliquer l’évolution des sociétés», et enfin la planétarisation, «prise de conscience de la finitude des écosystèmes […] et mise en évidence de crises à l’échelle de la planète Terre».
Afin de répondre à ces questions, Cynthia Ghorra-Gobin a réuni une équipe pluridisciplinaire de 72 auteurs (géographes, économistes, historiens, politologues, juristes, sociologues mais aussi un médecin, un anthropologue et un philosophe). Ce collectif nous propose de faire le tour de nombreux processus et phénomènes passés au crible de la dimension mondiale. Ainsi, même si les éclairages spatiaux et économiques sont dominants, le lecteur bénéficie de points de vue multiples qui donnent toute sa richesse à ce dictionnaire de 235 entrées. C’est à la fois beaucoup et peu; cela témoigne surtout du parti pris des auteurs de ne pas parler de tout et de traiter de thèmes généralement reliés les uns aux autres.
On apprécie l’équilibre entre des entrées qui concernent des points forts de l’actualité (ex.: le Printemps arabe), en les resituant dans un processus plus long, et des entrées de cadrage (ex.: les migrations) qui permettent ensuite de cheminer vers d’autres entrées mentionnées en tant que mots clés à la fin de chaque article long. Ces circulations suggérées sont particulièrement efficaces.
Les titres n’évoquent pas forcément une démarche géographique (dette, marque, déchets…) mais la cohérence de l’ouvrage réside justement dans la manière dont les thèmes choisis sont systématiquement traités en fonction de leur rôle dans la structuration de l’espace mondial. L’entrée «aéroport» est assez emblématique de cette démarche.
Se laisser guider par les choix éditoriaux, c’est aussi mieux saisir les points de vue qui sous-tendent de nombreuses entrées, ceux d’une mondialisation qui, pour le dire vite, est vue «d’en haut», des Nords et des États-Unis (notamment à travers les choix bibliographiques qui accompagnent les entrées les plus amples). C’est logique et pertinent puisque sont ainsi définies et discutées les tendances fortes de la mondialisation. C’est stimulant lorsque les différentes régions du monde sont mises en écho dans les modalités selon lesquelles elles entrent dans la mondialisation. Pour autant, on aurait parfois apprécié des éclairages qui prennent quelques libertés vis-à-vis de ce cadre dominant. Pourquoi, par exemple, ne pas évoquer la «mondialisation par le bas» largement débattue dans les contextes nord-américains et méditerranéens et, de ce fait, mettre en lumière les discussions sur les dynamiques subalternes, non hégémoniques ou peu visibles? Parfois aussi un regard plus géographique (accompagné d’illustrations). Mettre en image la mondialisation n’est pas, en effet, une mince affaire!
Ces critiques n’en demeurent pas moins des points de détails car au total, ce dictionnaire critique de la mondialisation riche et bien construit, sait exposer avec pédagogie et clarté des débats scientifiques autant que des questions d’actualité, tout en maintenant la distance nécessaire avec leur traitement médiatique. Outil d’usage commode pour les étudiants et leurs enseignants, nul doute qu’il ne devienne incontournable. Nous attendons avec impatience la 3e édition!
Référence de l’ouvrage
GHORRA-GOBIN C. (2012). Dictionnaire critique de la mondialisation. Paris: A. Colin, coll. «Dictionnaire», 645 p.
ISBN: 978-2-200-27009-4