Les collaborations scientifiques mondiales, 1999-2008, une application web de géovisualisation
Les données concernant des relations, des liens entre entités spatiales notamment, sont particulièrement difficiles à représenter graphiquement de manière lisible. Les techniques de géovisualisation offrent aujourd’hui de nombreuses possibilités pour réaliser une transcription graphique de ce type d’informations, sous la forme de graphiques interactifs présentés sur une page web. L’interactivité permet de ne présenter qu’une facette de l’information totale à la fois, qui apparaît donc plus lisiblement. Elle offre différents moyens de modifier l’image afin de présenter les facettes, complémentaires, pour construire une représentation complète. Les données relationnelles se prêtent particulièrement bien à des modalités de représentations variées, permettant de mixer différentes approches: spatiale, relationnelle, quantitative, comparative.
1. L'écran d'accueil |
Que présente CoSciMo, et de quelles manières?
CoSciMo (fig. 1), pour «Collaborations Scientifiques Mondiales», est un site Internet de géovisualisation dont l’objectif est double: diffuser une partie des résultats d’une recherche sur la géographie de la science et tester les nouvelles possibilités de géovisualisation offertes par le web. Plus spécialement, il s’agissait d’évaluer l’utilisation de bibliothèques de fonctions JavaScript mettant en œuvre les ressources du format HTML5. Ces nouvelles techniques présentent l’intérêt d’être accessibles à la fois pour le public, car le support de la page Internet est quasi universel, mais aussi pour les auteurs, car leur mise en pratique ne nécessite pas de programmation avancée.
Les bibliothèques de fonctions utilisées par CoSciMo sont:
Grâce à ces ressources, un site Internet peut présenter des représentations graphiques originales, légères (car en mode vectoriel), interactives, alimentées par des données fixes ou dynamiques (une base de données par exemple); tout cela sans nécessiter d’infrastructure serveur lourde (car les représentations sont dessinées par le navigateur Internet de l’utilisateur).
Après une présentation générale des données utilisées, leurs sources, leurs caractéristiques spatiales, et de l’objectif général des recherches menées (fig. 2), différentes modalités de représentation graphique sont accessibles depuis les onglets. Elles sont accompagnées d’une présentation et d’un court commentaire.
2. Présentation générale du projet et histogrammes |
Le premier type de représentation est celui des matrices (fig. 3): la forme la plus classique d’organisation des données de relations entre entités. Au croisement entre deux entités spatiales (agglomérations, pays, continents), on trouve un carré proportionnel à la valeur de la quantité de collaborations. L’ordre des entités spatiales est modifiable, pour passer d’un classement par valeur à un tri par continent, par exemple. On retrouve donc ici l’idée d’une matrice ordonnable, présentée de manière animée et interactive. La comparaison entre périodes temporelles ou entre échelles spatiales d’analyse est facilitée par la possibilité de passer de l’une à l’autre en un seul clic.
3. Les matrices de collaboration |
L’onglet suivant présente un mode de représentation assez original et particulièrement bien adapté aux données relationnelles: les cordes, rubans ou diagrammes circulaires (fig. 4). Ce type de graphique propose une métaphore particulièrement lisible: l’épaisseur des liens visuels représente l’intensité des collaborations entre entités spatiales. Il faut cependant choisir a priori un ordre de tri des entités qui ait un sens. Le support web apporte une interactivité intéressante: au survol par la souris, la collaboration est isolée et les valeurs numériques correspondantes sont affichées. L’aspect visuel de cette représentation est, en outre, assez intéressant sur le plan esthétique: une forme colorée ronde composée de courbes radiales qui rappelle certaines formes naturelles.
4. Les représentation par cordes |
Les représentations plus classiques en cartes de flux sont présentées dans l’onglet suivant du site (fig. 5). L’intérêt de l’interactivité est ici très important: au lieu de présenter toutes les collaborations existantes entre les 200 premières agglomérations scientifiques mondiales, on peut ne présenter que celles d’une agglomération à la fois, ce qui est beaucoup plus lisible. La comparaison entre les réseaux de collaborations s’effectue alors dans un deuxième temps, en «balayant» à la souris la carte d’agglomération en agglomération. La représentation en symboles et en flux proportionnels est recalculée et redessinée en temps réel par le navigateur Internet.
5. Une carte de flux interactive |
Le bouton «clusters» de cet onglet présente la répartition spatiale d’un travail de regroupement en classes des agglomérations, en fonction de leurs collaborations scientifiques selon un algorithme élaboré par Ludo Waltman et al. (2010) (Variante de l’algorithme de Louvain développé par Vincent Blondel et al.). Cette méthode permet de regrouper des villes qui collaborent davantage entre elles qu’elles ne le feraient si la répartition des liens de collaborations était aléatoire. Cette analyse de réseaux de collaboration entre villes se poursuit avec l’onglet suivant.
Le dernier mode de représentation des collaborations scientifiques internationales met en avant la facette relationnelle de ces collaborations au travers d’analyses de graphes (fig. 6). Les graphes permettent de visualiser et d’explorer les structures que forment les collaborations scientifiques mondiales entre villes, sur deux périodes et à différentes échelles spatiales. La position des villes est liée à la structuration de collaborations, en volume et en connectivité, selon des algorithmes spécifiques (Waltman et al., 2010; Kamada, Kawa, 1989). La consultation interactive de ces graphes permet notamment une bonne lisibilité de l’évolution de la structure des collaborations entre les deux périodes étudiées: comme la position des villes ne change pas, les différences apparaissent de manière dynamique.
6. Des graphes interactifs |
Perspectives
Les modes de représentation graphique utilisés par CoSciMo constituent, pour la plupart, des expérimentations visuelles et techniques. Le site a été présenté au FIG de Saint-Dié et de manière plus informelle dans nos réseaux, ce qui a permis de tester son utilisation et de recueillir de nombreux commentaires, notamment sur la lisibilité des informations et l’intérêt des représentations originales. À partir de cette expérience un portail d’information est en cours d’élaboration, pour exposer les résultats plus larges des recherches en géographie de la science menées par notre équipe depuis 2010, toujours sous une forme interactive et dynamique.
Le site CoSciMo présente une unité esthétique assez épurée, utilisant des lignes fines et des couleurs atténuées, pour mieux mettre en avant les valeurs représentées graphiquement. Cet aspect visuel est lui aussi appelé à évoluer, pour tenir compte des remarques et intégrer des éléments graphiques plus aboutis, par exemple sur les fonds de carte et les éléments de décor.
Bibliographie
ECKERT D., BARON M., JÉGOU L. (2013). «Les villes et la science: apports de la spatialisation des données bibliométriques mondiales». Mappemonde n° 110.
DYKES J., MACEACHREN A.M., KRAAK M.-J. (2005). Exploring Geovisualization. Burlington : Elsevier, coll. «International Cartographic Association». ISBN: 978-0-08-044531-1
KAMADA T., KAWA S. (1989). «An algorithm for drawing general undirected graphs», Information Processing Letters, vol. 31, n° 1, p. 7-15.
WALTMAN L., VAN ECK N. J., NOYONS ED C.M. (2010). «A unified approach to mapping and clustering of bibliometric networks». Journal of Infometrics, vol. 4, n° 4, p. 629‑635.
Lien vers l’application
http://www.coscimo.net