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L’atlas des atlas

Les rédacteurs du Courrier international offrent dans ce hors série (1) un intéressant florilège cartographique. Un bref éditorial de Philippe Thureau-Dangin annonce la couleur: «regarder comment les autres pays, les autres États ou les journaux et mouvements militaires représentent le monde». C’est à cette tâche qu’est consacrée la moitié du livre, qui reproduit des cartes, pour certaines très officielles, donnant des versions biaisées ou partisanes de situations géopolitiques. L’exercice n’est certes pas nouveau, mais il présente ici l’avantage de s’appuyer sur une grande variété de sources actuelles: atlas chinois, syrien, russes, japonais, argentin, indien, pakistanais, palestinien, israélien sont présentés et confrontés. On trouve ainsi les différentes cartographies du Cachemire, ou des frontières maritimes du Japon, ou encore des peuples et des territoires du Proche-Orient. Sont également reproduites des cartes d’États inexistants, comme le Pays basque, le Kurdistan ou la Transdniestrie et que certains, en s’aidant des cartes, voudraient faire exister, de même que des groupuscules nationalistes indiens représentent l’Inde — Bharat — s’étendant de l’Océan jusqu’à des montagnes himalayennes stylisées, et englobant au passage Pakistan et Bangladesh. Chacune de ces planches est très utilement accompagnée d’une carte originale d’interprétation donnant les clés de lecture.

Le dernier chapitre de l’ouvrage, intitulé «Imaginaire», reprend des cartes de l’Utopie de Thomas More et autres interprétations artistiques, soit que la carte serve de support à l’imagination ou au jeu, comme dans l’île au Trésor, soit qu’elle soit l’objet même de l’artiste, comme pour Win Delvoye qui réinvente des Atlas scolaires. L’Atlas des géographes d’Orbae de François Place, bien connu des amateurs de cartes et de voyages, côtoie un beau calligramme consacré à Manhattan par Howard Horowitz.

D’autres chapitres sont moins originaux, notamment le premier sur les planisphères et les systèmes de projection qui revient une fois de plus sur l’inutilement célèbre projection de Peters — comme s’il s’agissait de la seule projection équivalente. De même, les cartes prospectives du cahier final, sont trop rudimentaires pour apporter grand-chose. Autrement dit, les meilleures pages sont celles qui citent, éclairent et commentent des cartes, plutôt que celles qui en proposent de nouvelles. Ce sont là deux exercices différents.

On pourrait certes trouver l’ensemble hétéroclite, juger qu’il insiste trop sur les questions frontalières, ou penser que les lecteurs de Mappemonde savent déjà que l’on peut faire mentir les cartes. Mais il ne faut pas bouder son plaisir. L’ensemble se lit et surtout se regarde avec intérêt, donne accès à des sources difficiles à trouver et à consulter si l’on ne lit ni l’arabe, ni le chinois ni le russe. Il offrira aux enseignants une utile panoplie d’exemples commentés non seulement sur les usages et les mésusages des cartes, mais aussi sur des points et des lieux de l’actualité géopolitique.

Sébastien Velut


(1) L’Atlas des atlas, hors série de Courrier international, mars-avril-mai 2005, 130 p. 12 €.