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Catastrophisme

Le succès de l’ésotérisme entraîne un renouveau du catastrophisme, voire du créationnisme. Dès le début de son récent ouvrage (1), Claude Babin commente l’hypothèse de la météorite tueuse de dinosaures, énoncée en 1980 et confirmée en 1995, appelée à marquer la limite, il y a 65 millions d’années, entre le Crétacé et le Tertiaire. Si l’on n’est pas certain du rôle de la météorite, on sait qu’elle a existé et que le phénomène d’extinction en masse de certaines espèces est un réel problème. C’est à ceci que se réfère le catastrophisme de Cuvier ou de d’Orbigny, auquel s’opposera rapidement le transformisme de Lamarck. Mais c'est le fixisme de Charles Lyell, «fondateur de la géologie» pour Friedrich Engels, qui marque largement la géologie de la deuxième moitié du XIXe siècle, rapidement suivi par l’«actualisme» et le «cyclisme» dominants au XXe siècle également. «Le présent est la clé du passé», un principe qui accompagnera désormais la prise en compte de périodes comme celles de calme et d’activité orogéniques.

Claude Babin, à la suite de tous ces passionnants exposés, illustre un autre retour du catastrophisme avec l’exemple de l’interprétation des scablands du plateau de Columbia, attribués en 1923 à une gigantesque crue, et donc aussi à de très fortes précipitations, chose confirmée dans les années 1960. Mais est-ce bien là du catastrophisme que de prendre en compte une manifestation cataclysmique quand on en connaît tant maintenant?

L’auteur indique bien en effet que l’intérêt des géologues se porte désormais volontiers sur les phénomènes épisodiques, sur l’importance de l’existence de lacunes, sur celle de surfaces de discontinuité. Ces événements, s’ils sont discrets et épisodiques, peuvent revêtir localement une allure cataclysmique. Ainsi est-on maintenant persuadé qu’il n’y a ni cyclicité à l’identique, ni évolution linéaire sans heurts. Intensités et fréquences sont très variables et l’auteur se plaît à dire que l’on peut désormais parler de géologues actualistes catastrophistes. Si l’ouvrage porte évidemment et surtout sur l’histoire de la géologie, il concerne aussi la géographie dans son ensemble: Cl. Babin se réfère à la nécessaire complémentarité des sciences de la Terre et des sciences sociales et invite à employer le mot catastrophe à bon escient, c’est-à-dire lorsque le cataclysme fait des victimes humaines. L’événement, dont l’analyse est du domaine du constat, devient alors catastrophe, qui est un jugement de valeur. Il insiste également sur les notions de continuité/discontinuité et contingence/événements, familières du quotidien du géographe. En résumé, un excellent ouvrage d’histoire des sciences de la Terre dont l’intérêt va largement au-delà.

Pierre Usselmann


(1) BABIN Claude (2005). Autour du catastrophisme. Des mythes et légendes aux sciences de la vie et de la terre. Paris: Vuibert, 167 p., ISBN: 2-7117-5373-5.