N° 79 (3-2005)
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Réseaux et territoires en mouvement
Céline Rozenblat
La publication de ce dossier «Réseaux et territoires en mouvement», témoigne d’une double ambition de la revue:
Les auteurs qui ont répondu à l’appel à manuscrits ont dû relever ce double défi. Chaque article publié sous forme «classique» est donc accompagné d’une version animée et scénarisée. On espère de ce fait pouvoir mieux mettre en évidence la complexité des dynamiques entremêlées des réseaux et des territoires. Le rapport entre réseaux et territoires passe d’abord par une confrontation des logiques réticulaires avec les logiques zonales. Jean Debrie, Emmanuel Eliot et Martin Soppé proposent, avec leur modélisation portuaire, une articulation opératoire entre les «nodalités» (réticulaires) et les «polarités» (zonales). Ils montrent ainsi, en mobilisant l’exemple du port de Hambourg, comment les transformations des arrière-pays d’un port contemporain s’expliquent surtout par l’évolution de sa position relative dans des réseaux - ici aussi bien européens que mondiaux -, du fait notamment de l’écroulement du bloc de l’Est et, plus récemment, de la montée en puissance des nouveaux pays industrialisés asiatiques, en particulier la Chine. À une tout autre échelle et sur un autre thème, la superposition des compétences territoriales dans l’organisation du transport scolaire est une autre manière de montrer des réseaux qui transcendent des territoires continus (Piot). Une large place est faite au rôle des acteurs dans la mise en place et dans la transformation des réseaux, que ce soit à propos des réseaux portuaires (Debrie, Eliot, Soppé), des réseaux aériens (Amiel, Mélançon, Rozenblat), de la constitution des réseaux de routes postales en France (Bretagnolle, Verdier) ou du transport intra-urbain scolaire (Piot). Contrairement aux routes postales, où l’État est longtemps demeuré l’acteur principal, le réseau aérien a vu les acteurs (notamment privés) se multiplier depuis la «dérégulation» des années 1980-1990. Les logiques nationales demeurent prégnantes mais de façon très variable. Elles sont plus visibles en Europe qu’en Asie. Dans le transport intra-urbain, la confrontation des représentations et des pratiques des réseaux, par les acteurs, avec l’organisation du territoire dans lequel ces réseaux se déploient est indispensable à une démarche concertée d’aménagement ou de réaménagement des transports (ici scolaires). L’auteur évoque toutefois les différentes temporalités des acteurs (aménageurs, usagers) et la variété des échelles d’intervention pour expliquer l’inertie relative de la structure des réseaux. Les temporalités des réseaux et des territoires sont magnifiquement illustrées par l’étude, sur près de trois siècles, de la mise en place des routes de poste (Bretagnolle, Verdier). L’État, qui contrôle l’évolution du réseau, adopte tour à tour des stratégies militaires, politiques ou économiques. Des périodes d’accélération suivies de reculs (Révolution) se succèdent, la structure du réseau se conforme peu à peu aux logiques administratives de liaisons aux chefs-lieux. Cette structure se stabilise dès le début du XIXe siècle, période à partir de laquelle le réseau va se densifier par des ramifications secondaires, améliorant localement la connectivité du maillage. Pour traiter de la question de l’égalité spatiale, les auteurs des articles de ce dossier placent l’articulation des échelles au cœur de leur réflexion. L’articulation scalaire du fonctionnement des réseaux, par des étapes, par des concertations, est montrée comme indissociable de la réflexion géographique sur les réseaux et les territoires. Ainsi, par-delà les dimensions spatiale et temporelle, ces contributions invitent le lecteur/vidéospectateur à un voyage multi- ou transscalaire le long des réseaux et au cœur des territoires en mouvement. |