N°97

Information préventive et représentations des risques industriels
par les Mulhousiens

Dossier Risques

Les risques majeurs ont une dimension sociétale, politique et «psychologique»: en effet, ils constituent une construction sociale et ne sont pas seulement le résultat redouté de la conjonction entre des phénomènes physiques (aléa) et une occupation humaine (vulnérabilité matérielle). Dans l’évaluation de la vulnérabilité entre, en effet et sans conteste, la manière dont les différents agents appréhendent ces risques ainsi que la connaissance des modalités de leur gestion: quels sont les dangers auxquels la population se sent exposée? Quelles sont les conduites à tenir en cas de catastrophe et le public les connaît-il? L’organisation institutionnelle de la gestion est-elle claire? Pour améliorer la prévention et permettre une réduction des dommages en cas d’événement catastrophique, une information officielle est distribuée aux citoyens: c’est l’un des maillons clés de la prévention des risques majeurs, en France.

L’hypothèse qui fonde l’obligation légale [1] de diffuser ce type d’information est qu’on diminue la vulnérabilité de la population en améliorant les connaissances communes sur les risques, sur leurs effets et sur les consignes de sécurité: on estime que cette amélioration des connaissances pourrait engendrer des comportements limitant les conséquences dramatiques d’un événement. Nous avons cherché à vérifier le lien entre connaissance de la gestion des risques et information préventive officielle car les rares études portant sur l’impact de cette information préventive proposent des résultats ambigus et controversés (Debia, Zayed, 2003; Lowrey et al., 2007; Paton et al., 2000; Tierney et al., 2001) notamment en situation de crise (Lalo et al., 1994; Lindell, Barnes, 1989). Pour cela, nous avons mené une enquête de terrain auprès d’un échantillon de la population de l’agglomération de Mulhouse, qui est exposée à plusieurs risques majeurs. Étant donné que l’information préventive officielle n’est pas diffusée uniformément dans toute l’agglomération — seuls en ont été destinataires les foyers de la commune de Mulhouse et ceux localisés à l’intérieur des périmètres des plans particuliers d’intervention — peut-on observer des différenciations spatiales intra-urbaines dans les représentations des risques? Ces différenciations sont-elles calquées sur les variations de distribution de l’information préventive?

1. Les risques majeurs à Mulhouse: connaissance et ressenti de la population

1.1. Une ville soumise à divers risques majeurs

La ville région de Mulhouse est soumise à de multiples risques: séismes, inondations, coulées de boues mais aussi toute la gamme des risques dits technologiques liés à la présence d’établissements de production industrielle et d’énergie.

Le contexte tectonique est favorable à l’occurrence de tremblements de terre: l’agglomération est localisée dans le Sud du Fossé Rhénan, qui est un fossé d’effondrement, entre les Vosges et la Forêt-Noire. C’est dans le Fossé Rhénan que s’écoule l’Ill, affluent du Rhin le long duquel la ville de Mulhouse s’est construite. Grâce à la maîtrise de la force hydraulique, de nuisance (marais progressivement asséchés) l’eau est devenue un atout pour le développement industriel de la ville (industries textiles). Le blanchiment et la coloration des tissus ont entraîné le développement des industries chimiques dont le revers est de générer des risques. Au moment où nous avons mené l’enquête, entre janvier 2004 et juin 2006, trois sites étaient classés Seveso 2 dans l’agglomération mulhousienne et faisaient l’objet de plans particuliers d’intervention (PPI) [2]: une entreprise spécialisée dans la chimie organique [3], un entrepôt pétrolier et une entreprise de transport de matières dangereuses. La gare de triage de Mulhouse constitue un quatrième site, à part, car non classé, mais faisant l’objet d’un plan particulier d’intervention en raison de la quantité de produits à risques qui y sont stockés et qui y transitent (fig. 1). Le développement des industries pétro-chimiques a entraîné la croissance des flux de matières dangereuses par voie routière, ferrée et fluviale (40 km pour la seule ville de Mulhouse).

1. Mulhouse: les lieux de l’enquête (2004-2006)
Industries dangereuses, périmètres des PPI et localisation des individus enquêtés dans l’agglomération mulhousienne (lieu de travail et domicile). Nb: Seule la partie centrale du périmètre de l’enquête est représentée ici.

Face à ce tableau de risques, quels sont ceux que les citadins identifient? Auxquels se sentent-ils personnellement exposés? Y a-t-il des différences spatiales dans ces perceptions en fonction de leur lieu de résidence?

Pour répondre à toutes ces questions, nous avons réalisé une enquête dans douze communes de l’agglomération [4], auprès de 491 individus (Beck, 2006). Notre échantillonnage respecte des quotas stratifiés selon les critères du sexe, de l’âge, de la commune de résidence (tableau 1). Nous avons essayé, outre le respect des proportions de population par commune, d’observer une relative équi-répartition des personnes interrogées au sein de l’espace urbain (fig. 1). L’enquête, qui comportait 43 questions, a été réalisée en face à face, à la rencontre des individus dans la rue pour les habitants et dans les entreprises situées sur les communes de l’enquête. Nous considérons ces deux populations comme exposées aux risques. Les habitants rencontrés dans la rue représentent 47% de notre échantillon; les personnes enquêtées sur le lieu de travail 42%; dans un lieu public enfin (hôpitaux, lieux d’enseignement) 11% du total.

1.2. Des risques majeurs localisés bien connus mais peu redoutés des citadins

Les Mulhousiens sont bien conscients des différents aléas qui peuvent se manifester et des catastrophes susceptibles de se produire dans la ville (tableau 2). Pourtant, lorsqu’il leur est demandé de citer les risques auxquels ils se sentent le plus exposés, les craintes qui dominent sont, très nettement, les risques de voisinage, diffus mais quotidiens, tels que le bruit auquel s’ajoute la pollution de l’air. Ils redoutent bien moins les risques dits majeurs (tableau 3).

La répartition des réponses (tableau 2) est évidemment liée au contexte local dans lequel s’inscrit l’enquête. Par exemple, le séisme apparaît en première position vraisemblablement parce que les Mulhousiens interrogés ont une bonne connaissance de la situation géographique de leur ville («Mulhouse est sur une faille»); l’expérience de tremblements de terre ressentis en 2003 et 2004 [5] peut également augmenter ce pourcentage (33,4% de notre échantillon).

Le fait que l’explosion de gaz soit citée par 2,6% des individus interrogés et que nous l’ayons volontairement individualisée et non agrégée à d’autres réponses comme «risque industriel» est à mettre en relation avec l’explosion de gaz survenue le 29 décembre 2004 à Mulhouse, due à la rupture accidentelle d’une canalisation. Cet événement qui a causé la mort de 17 personnes était alors très frais dans les mémoires. Enfin, le souvenir du crash d’Habsheim (à l’est de Mulhouse), le 26 juin 1988, où trois personnes sont mortes et une centaine d’autres ont été blessées, reste ancré dans la mémoire des habitants, ce qui peut expliquer que 2,2% des personnes interrogées citent le crash d’avion comme catastrophe susceptible de se produire dans la région mulhousienne.

1.3. Représentations cognitives du risque industriel et leur répartition?

Nous proposons ici d’exposer les représentations cognitives du risque industriel: la catastrophe industrielle est en effet le deuxième événement cité par notre échantillon comme une catastrophe locale possible (tableau 2). Les résultats ont été cartographiés suivant des secteurs qui correspondent aux IRIS INSEE dont certains ont été regroupés en fonction d’une morphologie urbaine proche (fig. 2).

Nous connaissons les réponses dominantes aux questions de l’enquête pour chacun des îlots car nos interlocuteurs sont géoréférencés. De la sorte, il est possible de les cartographier, ce qui nous paraît pertinent dans la mesure où cela nous permet de confronter la répartition spatiale des résultats avec des paramètres spatialement déterminés:

2. Carte de repérage des secteurs couverts par l’enquête

Interrogés sur leur idée des risques qui menacent l’agglomération, 19,3% de l’ensemble de notre échantillon ont cité le risque industriel (tableau 1).

La répartition urbaine de ces personnes montre que leur proportion est légèrement supérieure à l’intérieur du plan particulier d’intervention (fig. 3) même si on relève également de fortes proportions de gens sensibles à ce risque à l’est de l’agglomération peut-être en raison de la proximité de l’aérodrome d’Habsheim et du site industriel de Peugeot qui marquent le paysage.

Si l’on se penche sur le sentiment d’exposition à ce risque, la répartition des personnes qui le citent reprend en partie cette connaissance de la géographie locale des risques. En réponse à la question ouverte «Citez les risques auxquels vous vous sentez, vous personnellement, le plus exposé(e)», les personnes interrogées pouvaient citer plusieurs risques. Nous avons représenté les réponses «cumulées», c’est-à-dire celles de toutes celles qui ont cité le risque industriel, que ce soit en 1re, 2e ou 3e réponse (fig. 3).

3. Crainte d’une catastrophe industrielle dans la région de Mulhouse
Cumul des réponses à la question: «Si une catastrophe devait se produire dans l’agglomération mulhousienne, à laquelle pensez-vous?»). La moyenne sur l’agglomération est de 19,3%.

Pour l’ensemble de l’échantillon, seulement 5,3% des citadins se sentent exposés au risque industriel; mais la proportion de ceux qui citent ce risque est nettement plus forte à proximité des installations à risque et à l’intérieur du périmètre du plan particulier d’intervention le plus étendu (fig. 4): soit ils perçoivent les sources de risques (usines et wagons-citernes), par la vue ou l’odorat parce qu’ils en sentent les émanations, soit ils ont connaissance de leur proximité et des risques induits grâce à la documentation qui leur a été distribuée ou à l’expérience d’événements récents.

4. Sentiment d’exposition aux risques industriels

Concernant les secteurs nord, localisés à l’extérieur des périmètres de plans particuliers d’intervention, sur la commune de Wittenheim, le sentiment d’une exposition forte chez une proportion d’individus un peu plus élevée qu’ailleurs pourrait être dû à l’accident de Stocamine, survenu en 2002 à Wittelsheim: un incendie s’était alors déclaré dans le puits d’une mine de potasse et avait fait débat à l’époque. Or, la commune de Wittenheim est fortement marquée par l’activité minière importante jusqu’en 2004. Cet événement peut expliquer que les habitants et travailleurs de Wittenheim fassent un amalgame avec la situation de leur propre commune et redoutent qu’un tel accident se produise un jour sur le territoire de leur commune.

Concernant le secteur ouest (deux secteurs sont caractérisés par un pourcentage compris entre 21 et 40%), la topographie est un élément explicatif important. Une partie de la commune de Pfastatt a une vue imprenable sur l’usine Rhodia et la gare de triage. Ainsi, la perception (au sens propre du terme) du risque influence manifestement les représentations cognitives des individus. Quant à la commune de Lutterbach, elle est traversée par une ligne de chemin de fer par laquelle transitent les convois de matières dangereuses destinées aux entreprises Seveso de Thann, localisées à 14 km à l’ouest de Mulhouse. On peut supposer que la vue de ces wagons peut sensibiliser davantage les personnes résidant ou travaillant à Lutterbach.

Outre l’expérience directe, l’appropriation d’une information préventive officielle distribuée récemment dans la commune et à l’intérieur des plans particuliers d’intervention aurait-elle pu également jouer un rôle dans la différenciation des représentations cognitives des risques?

2. La connaissance des consignes de sécurité et la distribution de l’information préventive officielle

Depuis 1987 [6], les populations soumises à des risques majeurs sont la cible d’une information préventive. Le droit des citoyens à être informés sur les risques auxquels ils sont exposés suppose qu’ils reçoivent cette information sans avoir à en faire la demande, d’où la distribution de documents dans les communes concernées. Certes la contrepartie de ce droit est, tout de même, un devoir de s’informer qui devrait entraîner les citadins à faire des recherches, notamment dans certaines circonstances comme l’acquisition d’un bien immobilier. Cependant, pour notre part, c’est l’impact de ces campagnes de distribution de documents que nous cherchons à mesurer, dans le cadre de la gestion publique des risques. Concernant les risques industriels, ces documents à la charge des industriels, sont le plus souvent réalisés en collaboration avec les autorités publiques (préfecture, mairie). Depuis qu’obligation a été faite d’éditer un document d’information communal sur les risques majeurs [7] quelle qu’en soit la nature, les communes élaborent ces documents, mais la distribution des livrets consacrés aux risques industriels reste, théoriquement, du ressort de l’exploitant censé la reconduire tous les cinq ans, pour les établissements Seveso ou assimilés. Le périmètre des effets potentiels d’un accident, tel que reporté dans les plans particuliers d’intervention, sert de référence pour la distribution des plaquettes contenant cette information préventive «risques industriels». À Mulhouse, le plan particulier d’intervention autour de la gare de marchandises concerne la quasi-totalité de la commune ainsi qu’une partie des communes voisines (fig. 1). Mais la distribution de l’information préventive a eu lieu de manière systématique, au printemps 2004, auprès des seuls foyers mulhousiens de la ville de Mulhouse, sous la forme d’un livret détachable inclus dans le bulletin communal. Malgré cette campagne de distribution, seuls 22,2% des personnes interrogées affirment avoir reçu un document concernant la prévention des risques [8] et 70% d’entre elles l’ont conservé; au final, les personnes qui ont conservé le document représentent à peine plus de 15% de l’ensemble de l’échantillon.

Les variables socio démographiques ne sont pas fortement discriminantes: hommes ou femmes, propriétaires ou locataires, personnes célibataires ou en couple, ayant ou non des enfants n’affirment pas avoir reçu de document de manière différente. Seuls se détachent de l’ensemble de l’échantillon (tableau 4):

Dès lors que les variables socio démographiques ne semblent pas faire de nette différence entre les groupes qui disent avoir reçu et conservé l’information et les autres, la localisation des individus dans l’agglomération et leur positionnement par rapport aux sources du risque industriel entre-elle en jeu? Si l’on observe la carte de répartition des citadins qui affirment avoir reçu un document sur la prévention des risques (fig. 5), le périmètre du plan particulier d’intervention, là aussi, englobe les quartiers les «mieux» informés. Une notable exception concerne les travailleurs de l’usine Peugeot, localisée à Sausheim (secteur est de l’agglomération), qui emploie 14% de la population active de la région étudiée: entre 20 et 40% des personnes interrogées affirmant avoir reçu un document évoquaient un document relatif aux risques liés au travail ou un document reçu dans le cadre d’une formation professionnelle à la sécurité.

5. Réception de documents d’information sur les risques
Réponse positive à la question: «Avez-vous reçu un document concernant une méthode de prévention des risques?»

Parmi les informations préventives dont l’objectif est de limiter le nombre de victimes potentielles si un accident majeur survenait, nous nous sommes intéressées à la connaissance des moyens d’alerte et des consignes à suivre qui figurent parmi les informations préconisées par un décret pris en 1990 [9]. Pour influencer le moins possible les réponses à ces questions, nous les avons posées préalablement à celle concernant la réception d’un document d’information préventive.

De manière analogue aux questions concernant la réception et la conservation des documents d’information préventive, les variables socio démographiques ne dessinent pas de groupes fortement différenciés de la moyenne de l’échantillon par leur bonne connaissance de l’alerte et des consignes de sécurité (tableau 5). On note cependant que les actifs entre 41 et 60 ans, ainsi que les personnes ayant un diplôme universitaire de premier ou deuxième cycle, ont, en plus forte proportion que les autres, à la fois une bonne connaissance des modalités d’alerte en cas de catastrophe industrielle (la sirène) et une très bonne connaissance des consignes de sécurité. À l’opposé, la proportion de personnes ayant cette bonne connaissance est nettement inférieure à la moyenne parmi les groupes faiblement diplômés (aucun diplôme ou CAP-BEP). Là encore, nous avons cherché à vérifier l’influence éventuelle du facteur spatial, de la distance aux sources de risques et de l’appartenance à l’aire de diffusion de l’information préventive officielle sur la connaissance des procédures d’alerte (fig. 6). Auparavant, cependant, une vérification statistique du lien entre cette connaissance et la réception des plaquettes d’information préventive s’impose.

Les conduites à tenir en cas d’accident sont indiquées aux citadins par le biais des documents cités précédemment. On observe ici encore, pour l’ensemble de l’échantillon, une corrélation positive entre le fait d’affirmer connaître les consignes et celui d’avoir reçu un document informatif [10] (tableau 6), même si ce document ne permet manifestement pas d’asseoir fermement la bonne connaissance des consignes (c’est la réponse «plus ou moins» qui domine pour plus de la moitié des enquêtés ayant reçu un document). Aussi évidente que soit cette corrélation, elle méritait d’être vérifiée pour apprécier l’efficacité des campagnes d’information.

Comme pour l’alerte, la connaissance des consignes de sécurité est déclarée meilleure par ceux qui ont reçu un document et, a fortiori, par ceux qui l’ont conservé. Concernant la répartition spatiale des personnes affirmant avoir une bonne connaissance des consignes à suivre en cas d’accident industriel (fig. 6), on observe qu’elles sont majoritairement localisées à l’intérieur du plan particulier d’intervention, même si quelques secteurs au nord-est de Mulhouse font exception. Ainsi, on peut là encore citer la commune de Sausheim, qui accueille l’usine Peugeot et ses employés (8% de notre échantillon total) qui reçoivent, on l’a vu précédemment, une information spécifique sur les risques industriels, notamment les risques internes à l’entreprise.

6. Connaissance de l’alerte
Réponse correcte (sirène) à la question: «Si une catastrophe industrielle se produisait, comment seriez-vous prévenu(e)?» (moyenne des réponses correctes= 22,2%)

Devant la forte proportion de personnes qui déclarent ne pas avoir reçu de documents sur les risques (près de 80%), nous avons cherché à connaître leur sentiment face au niveau d’information divulguée. Comme dans d’autres enquêtes sur ce thème [11], les citadins interrogés se sont déclarés insuffisamment informés (tableau 7). Cela va dans le sens des résultats trouvés, par exemple, par Dale Dominey-Howes et Despina Minos-Minopoulos (2004) selon lesquels 99% des personnes interrogées souhaiteraient être mieux informées sur les risques locaux.

7. Connaissance des consignes de sécurité
Réponse à la question: «Connaissez-vous les consignes à suivre en cas de catastrophe industrielle?». Les réponses «très bien» ont été cartographiées.

Les personnes qui se sentent suffisamment informées (fig. 8) sont celles qui affirment déjà connaître les consignes de sécurité, les modalités d’alerte et les méthodes de prévention. Les proportions les plus fortes sont plutôt situées à l’intérieur du plan particulier d’intervention, mais on en trouve aussi à l’est de l’agglomération. Il reste que, même bien informées, le sentiment du déficit informatif reste important, il concerne toujours plus de la moitié des citadins.

Le périmètre du plan particulier d’intervention et la proximité des sources du danger industriel semblent donc favoriser une plus grande sensibilité au risque et, partant de cela, une meilleure connaissance des consignes à suivre  (fig. 7) et de l’alerte. Le rapprochement entre la réception des documents d’information et l’affirmation de connaître les consignes de sécurité milite pour un impact positif de l’information préventive telle qu’elle est proposée, ce qui mériterait d’être exploré car la corrélation ne fait pas l’unanimité parmi les chercheurs travaillant sur la question. De la même façon, les espaces où les citadins s’estiment suffisamment informés (fig. 8) correspondent en grande partie à ceux où ils sont les plus nombreux à avoir reçu un document d’information préventive (fig. 5). Dès lors, ce sont plutôt les modalités de distribution de ces documents qui pourraient être mises en question: faut-il intensifier les campagnes là où l’information semble moins bien reçue? Il convient également de s’interroger sur le lien «sensibilité» au risque/assimilation des informations: est-ce parce qu’on est préalablement attentif à la question des risques que l’on remarque, conserve et assimile l’information, ou est-ce l’information qui sensibilise aux risques et à leur gestion?

8. Répartition des personnes qui se sentent suffisamment informées
Réponse à la question: «Vous estimez-vous suffisamment informé(e) sur les risques en général?»

Conclusion

L’information préventive distribuée par les autorités publiques dans le cadre de la gestion des risques contribue à la connaissance des phénomènes et à la représentation que les citadins s’en font. En ce qui concerne l’attention portée à ces documents et aux informations qu’ils contiennent, nous avons mesuré la connaissance des modalités de l’alerte et des consignes de sécurité préconisées pour améliorer les comportements en cas de catastrophe. Nous constatons que les paramètres socio démographiques classiques (âge, sexe, niveau d’instruction, religion, statut de propriété) ne sont pas fortement discriminants, sauf exception. Aussi avons-nous exploré les facteurs de distance au risque et de bassin de distribution de l’information préventive officielle. Ces facteurs spatiaux permettent de vérifier l’impact, plutôt positif, de cette information telle qu’elle est organisée depuis 1987. Toutefois, beaucoup de citadins y échappent et s’avèrent en être demandeurs lorsqu’ils sont interrogés sur la question, l’enquête jouant un rôle d’acculturation, comme souvent pour des sujets qui n’apparaissent pas socialement très préoccupants. Notre exploration spatiale devrait pouvoir contribuer à densifier la distribution d’une information qui semble positive au regard des objectifs que les autorités publiques lui ont fixés, là où elle paraît insuffisamment reçue ou assimilée. Bien sûr, des campagnes plus ciblées dans l’espace doivent probablement s’accompagner d’une réflexion sur le contenu, la forme et les vecteurs du message, en fonction des populations visées en priorité (par exemple les jeunes qui sont manifestement moins sensibilisés). Ainsi, si l’on admet que l’information permet une sensibilisation, pourrait-on associer une information ciblée à une information «taillée sur mesure», comme le propose notamment Dongo Rémi Kouabenan (Kouabenan et al., 2006).

Bibliographie

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DEBIA M., ZAYED J. (2003). «Les enjeux relatifs à la perception et à la communication dans le cadre de la gestion des risques sur la santé publique». VertigO, vol. 4, n° 1.

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Le droit des citoyens à l’information sur les risques auxquels ils sont exposés a été affirmé par l’article 21 de la loi n° 87-565 du 22 juillet 1987 relative à l’organisation de la sécurité civile, à la protection de la forêt contre l’incendie et à la prévention des risques majeurs, codifié dans l’article L.125-2 du Code de l’environnement.
Plan spécifique au risque technologique définissant l’organisation des secours en cas de crise et la prévention par l’information.
Depuis la fin de l’année 2007, cette entreprise a cessé son activité.
Les 12 communes enquêtées sont: Baldersheim, Brunstatt, Didenheim, Habsheim, Illzach, Kingersheim, Lutterbach, Morschwiller, Mulhouse, Pfastatt, Riedisheim, Rixheim, Sausheim, Wittenheim (fig. 2). Bien que localisée dans l’espace à risque, la commune de Richwiller n’a pas été retenue dans notre enquête, car elle ne fait pas partie de l’espace urbain continu tel que nous l’avons défini. Les communes de Baldersheim et Didenheim, trop peu peuplées par rapport à la taille de l’échantillon, n’ont pas été étudiées.
Séismes de Rambervillers (Vosges) M=5,4 le 22/02/03; de Roulans (Doubs) M=5,1 le 23/02/04; de Waldkirch (Allemagne) M=5,3 le 5/12/04. Données: Réseau National de Surveillance Sismique.
Loi n° 87-565 du 22 juillet 1987 relative à l’organisation de la sécurité civile, à la protection de la forêt contre l’incendie et à la prévention des risques majeurs.

Institué par la circulaire du 21 avril 1994, le DICRIM s’appuie sur le dossier communal synthétique (DCS) établi par les services de la préfecture sur la base du dossier départemental des risques majeurs (DDRM). Le DICRIM implique l’élaboration d’un plan d’information préventive qui peut se composer de divers éléments:
- une action médiatique avec campagnes de presse et articles dans les bulletins municipaux,
- des interventions pédagogiques dans les écoles, souvent en liaison avec les industriels, des journées portes ouvertes,
- la distribution de plaquettes d’information aux riverains situés dans les zones à risques. Les plaquettes doivent être réactualisées tous les 5 ans, et les campagnes d’information renouvelées régulièrement. Ces actions sont menées à l’initiative du maire, avec l’appui des services préfectoraux et des industriels. Elles sont valables pour tous les types de risques (naturels et technologiques). Le maire doit également assurer la diffusion de ce document: la plupart du temps, il est simplement mis à disposition de ses administrés, en mairie, parfois aussi par l’intermédiaire d’Internet.

Il ne s’agit pas seulement de documents concernant les risques industriels ou les risques majeurs: ont été citées des informations sur les risques liés aux maladies, notamment le sida (6,4%), la sécurité routière ou les consignes liées à la préservation de l’environnement, mais aussi les risques professionnels (10%) ou les risques de la vie courante abordés dans le cadre de formations au secourisme (4,5%).
Décret n° 90-918 du 11 octobre 1990 relatif à l’exercice du droit à l’information sur les risques majeurs pris en application de l’article L.125-2 du Code de l’environnement qui reprend in extenso l’annexe 5 de la directive Seveso de 1982. Ce décret décline avec précision les informations qui doivent figurer sur les documents distribués au public.
La question sur la connaissance des consignes de sécurité a été posée avant celle sur la connaissance voire la possession d’un document d’information préventive.
Par exemple, à Huningue, en 2004, 71% des personnes interrogées ont répondu qu’elles ne se sentaient pas suffisamment informées sur les risques en général (Horvath, 2004). À la Réunion, en 2008, 54% des personnes à qui l’on a demandé si elles avaient eu assez d’information pour savoir comment réagir en cas d’éruption volcanique ont répondu non (Bastian, 2008). Ces résultats confirment ceux que nous avons obtenus à Mulhouse: les citadins ressentent généralement un déficit d’information.