Un finage dans la longue durée: Saint-Martin-du-Mont (Côte-d’Or)
Nous postulons que, depuis l’installation et la généralisation des structures et formes agraires (Deffontaines, 1994), probablement à la protohistoire, nous assistons à leur développement en continu sous la double influence de leur propre dynamique et d’aménagements humains volontaires. Nous proposons alors l’hypothèse de travail suivante: les inflexions historiques dues à des circonstances particulières, dont les aménagements antiques, l’émergence des villages médiévaux, le remembrement actuel, n’ont jamais fondamentalement remis en cause l’empreinte de la structure initiale. Cette dernière, bien qu’effacée ou déformée, subsiste toujours et les analyses morphologiques régressives peuvent en révéler les tronçons toujours actifs et, de là, proposer une restitution de la configuration générale d’origine.
1. Saint-Martin-du-Mont en Côte-d’Or |
Or, de par leur inertie propre, formes et fonctions se trouvent fréquemment en déphasage et il n’est alors pas rare que les structures héritées et les fonctions qui leur sont contemporaines (Bertrand, Bertrand, 1975) soient en tension. Il en fut ainsi, sur le plateau de Langres-Châtillonnais, quand le remembrement des années 1960-1970 résolut le décalage croissant entre un parcellaire hérité d’une agriculture non mécanisée, et des systèmes de grandes cultures.
À chaque aménagement de grande ampleur au cours de l’histoire, on assiste ainsi à un réajustement plus ou moins rapide des formes aux fonctions, conduisant à l’émergence d’une structure nouvelle incluant de manière dynamique la précédente. Autrement dit, les formes archéologiques ne sont pas uniquement des vestiges mais sont pleinement constitutives des structures agraires actuelles et sont à rechercher en leur sein.
Nous postulons donc qu’il est possible, particulièrement à travers l’interprétation du cadastre napoléonien, d’appréhender les effets de transmission de longue et même de très longue durée, sans «fixisme» ni «inertie». Nous proposons ici de développer les contenus de ce postulat à propos de la commune de Saint-Martin-du-Mont.
Située à une vingtaine de kilomètres au nord-ouest de Dijon, sur le grand axe de communication Dijon-Châtillon-Troyes, sur le seuil de Bourgogne, la commune de Saint-Martin-du-Mont attire l’attention par son ampleur inhabituelle pour la région (3 784 ha, fig. 1).
2. Une conséquence du statut de hameau: trace du «Chemin de la Messe». |
Ce chemin fait limite entre deux sections cadastrales de 5 km. Il reliait directement le hameau de Bordes-Pillot à Saint-Martin-du-Mont. Rendu caduc par l’automobile, il s’est trouvé peu à peu délaissé puis récemment arasé pour réunir deux parcelles. Le chemin était bordé d’une haie continue comportant à sa base un petit «meurger» [3]. (cliché: J.-L. Maigrot, 2007) |
Mais l’originalité de Saint-Martin-du-Mont en tant qu’entité administrative réside surtout dans l’agrégation de plusieurs hameaux-villages. Leur présence est ancienne et nous est révélée dès le XIVe siècle par des dénombrements de la population de «la Terre de Saint Seine» [1]. Même si actuellement leur taille est semblable à celle de Saint-Martin-bourg, leur statut de hameau se traduit par l’absence de cimetières et d’églises (fig. 2).
Les données statistiques à notre disposition [2] montrent que tous ces «hameaux-villages» présentent des traits et des histoires similaires tant en termes démographiques que socioprofessionnels. Excepté pour deux qui ont disparu, leur évolution sur le long terme est semblable.
Le finage se présente comme un vaste plateau ouvert, domaine de l’openfield (fig. 3). Il est cerné par de vastes massifs forestiers et il est limité à l’ouest et au sud par deux «ruptures», les vallées très encaissées de l’Ougne, du Suzon et de son affluent le ruisseau de Bordes-Pillot. Les affluents du Suzon, au sud, compartimentent le massif forestier. Deux de ces compartiments sont occupés par les habitats désertés dits «G1» et «G2». La partie nord est traversée par le grand axe de communication Troyes-Dijon. Depuis le carrefour de Cestres, des axes secondaires desservent les hameaux ainsi que le val Suzon moyennant de forts dénivelés.
Le milieu édaphique est ingrat. Le plateau est le domaine de «petites terres» à cailloux, argileuses, peu calcaires, reposant sur le calcaire compact bathonien et, à l’est d’une grande faille qui coupe le plateau du nord au sud, sur le calcaire en plaquettes callovien. Les sols sont pierreux, peu profonds et ne disposent que d’une très faible réserve en eau. Actuellement, le broyage mécanique des cailloux est fréquent comme l’était autrefois l’épierrage manuel, à l’origine de nombreux «meurgers» [3]. Ces caractéristiques expliquent aussi la grande taille du finage, les habitants ayant toujours cherché à compenser la faiblesse des rendements par l’extension des cultures. Les vallées, inondables, et les pentes marneuses sont le domaine d’herbages plus ou moins bien tenus (fig. 4a et 4b).
3. Le milieu édaphique |
Vers 1970-1975, les deux tiers des actifs travaillaient dans la commune et plus de la moitié étaient des agriculteurs. En 2000, 21% des actifs travaillent à Saint-Martin-du-Mont et seuls 9% d’entre eux sont des agriculteurs, le taux d’activité entre ces deux dates restant à peu près stable. Depuis la fin des années 1970, les non-actifs, essentiellement des retraités, constituent près de 70% de la population: un grand nombre d’habitants ne sont pas originaires de la commune mais sont venus s’y installer, attirés par le caractère encore rural de Saint-Martin-du-Mont et sa proximité avec Dijon. Dès lors Saint-Martin-du-Mont relève du périurbain dijonnais (Maigrot, 2007).
4. Paysages caractéristiques du finage: vallées et plateaux (cliché: J.-L. Maigrot, 2006) | ||
4a. La vallée du ruisseau de Bordes-Pillot |
4b. Le plateau en direction de l’ouest | 4c. Vue aérienne du site de Saint-Martin-du-Mont. On distingue au premier plan la vallée de l’Ougne, en haut à droite au fond, le finage de Bordes-Pillot et au loin le bois de Cestres. Le plateau est à peine ondulé par des paléo-chenaux appelés localement «combes», et quelques buttes témoins appelées «tasselots». |
L’activité agricole y connaît l’habituelle évolution observée dans la plupart des communes des plateaux calcaires du Grand Est: généralisation des systèmes de grande culture, sur de grands parcellaires configurés pour et par un matériel puissant, s’accompagnant de la destruction de toutes formes et tous dispositifs agraires antérieurs pouvant gêner les déplacements — haies, meurgers, chemins... [4].
5. Un exemple de dynamique de boisement. |
Poursuite d’une dynamique de boisement commencée au début du XXe siècle. Vue de la pelouse calcaire située au nord de «La Casquette», envahie progressivement par les genévriers (cliché pris depuis les «Herbes Noires», en direction de l’est, J.-L. Maigrot, 2007). |
Malgré ces récents bouleversements, on observe sur deux siècles une certaine stabilité dans la distribution spatiale du mode d’utilisation des terres. Ainsi, les herbages se sont étendus à partir des zones anciennement enherbées, et les bois surtout à la périphérie du finage (fig. 5), soit pour des raisons d’éloignement du centre d’exploitation, soit en position de rupture de pente là où il y avait déjà des friches. À peu près tous les sommets de pentes se boisent à partir du début du XXe siècle, le boisement y prenant une forme linéaire. Partout ailleurs, le finage apparaît bien tenu.
Depuis la mise en place du cadastre napoléonien en 1813, les comptes cadastraux montrent que la diminution des terres labourables et, dans une moindre mesure, celle des friches (- 261 ha) correspondent à peu près à la croissance des herbages et des bois (+ 257 ha).
Trois styles parcellaires, définis par le dessin, l’aspect des parcelles, et celui des chemins d’exploitation, sont immédiatement discernables sur le cadastre napoléonien de 1813 (fig. 6): les styles «parcelles laniérées» (fig. 6a), «parcelles massives» (fig. 6b) et «parcelles de fond de vallée» (fig. 6c).
Le style «fond de vallée» se caractérise par des parcelles plutôt carrées s’organisant perpendiculairement au cours d’eau. La plupart du temps, le cadastre de 1813 les donne en herbages. Il s’agit de manière générale de parcelles de petite taille: en sont recensées 155 pour une superficie totale de 78 ha et 87 a soit une moyenne de 50 a par parcelle. Les «parcelles massives» s’observent plutôt en périphérie du finage: plus grande que la moyenne, elles présentent une allure massive tendant vers des formes carrées. Le style «parcelles laniérées» correspond à un parcellaire en «lame de parquet» dominant sur le plateau central.
6. Les trois types parcellaires en 1813. | ||
De grands défrichements ont été effectués après la déclaration royale de 1766 (fig. 7). Pour la plupart, nous en connaissons la superficie [5], le nom des «défricheurs» et le lieu concerné. Ces défrichements affectent quasi exclusivement les parcelles massives. Nous en proposons l’interprétation suivante: les parcelles massives correspondaient jusque dans les années 1950 à une zone tampon entre forêt (mais incluant peut-être la frange extérieure actuelle du bois de Cestres) et parcelles laniérées du plateau. Cet espace intermédiaire a, au cours de l’histoire, constitué une sorte de réserve foncière permettant de faire face à une pression démographique accrue et, revenant à la friche en période de baisse démographique. C’est là que se situent les friches déclarées au cadastre de 1813 et que l’on retrouve dans les enquêtes de la Société d’aménagement des friches de l’Est dans les années 1950, avant leur remise en culture dans les années 1960 avec la mécanisation de l’agriculture.
Le site médiéval «G1», abandonné au tournant des XIVe et XVe siècles et actuellement en cours de fouilles [6] s’insère parfaitement dans l’architecture générale du finage (fig. 7). Implanté le long d’un chemin venant de Cestres et se dirigeant vers le val Suzon, il est probablement situé à la limite sud-est de cette zone intermédiaire.
En retenant l’hypothèse d’une organisation aréolaire des finages (Saint Jacob, 2008), nous avons tracé une aire d’emprise territoriale théorique, à partir des cinq principaux centres d’habitat: le groupe Cestres-Froideville-Saint-Martin-bourg, Bordes-Bricard, Bordes-Pillot, Bordes-Gaudot (nom supposé du site «G1» abandonné du bois de Cestres) et La Casquette-Bordes-Margot en fonction de leur poids démographique à différentes périodes. Cette approche, bien qu’assez sommaire, suggère «l’empreinte écologique» potentielle propre à chaque habitat (Comet, 1992; Beck, 1998; Morlon, Sigaut, 2008). L’empreinte écologique correspond à l’impact d’activités humaines sur l’écosystème et est exprimée en hectares consommés par «feu». Cette surface traduit une quantité de ressources nécessaires par système opérant. Cette «surface» est virtuelle, mais elle traduit une réalité très concrète: de quelle surface, un feu dans son contexte historique et dans un lieu pédoclimatique particulier a-t-il besoin pour vivre, produire sa subsistance et absorber ses déchets?
7. Parcelles laniérées et défrichements de la fin du XVIIIe siècle. |
Nous avons directement vectorisé sur le cadastre napoléonien, au format .shp, 6012 polygones correspondant à autant de parcelles, bâties ou non. Pour préciser l’importance et la position des parcelles laniérées nous avons réalisé une requête sur table attributaire portant sur le ratio périmètre au carré/surface. Étant une grandeur sans dimension (mètres carrés sur mètres carrés) et indépendante de la taille de la parcelle, ce ratio est un indicateur de l'étirement d’une parcelle. Ici trois seuils ont été retenus. Toutefois s’il est valable sans restriction pour des rectangles réguliers, il l’est un peu moins dans le cas de parcelles pouvant comporter de nombreux angles. Les parcelles boisées sont exclues du calcul. Pour les défrichements du XVIIIe siècle, la mise en relation des deux couches thématiques (parcelles défrichées et parcelles massives) montre une co-localisation des deux thèmes. |
La spatialisation des données démographiques a été réalisée sur la base des hypothèses suivantes:
Sur ces bases, on peut proposer une valeur de 17 ha soit 42 jours de labour par «feu» comme correspondant à l’empreinte écologique d’un «feu» composé de 4 à 5 personnes (2 adultes et 3 enfants; fig. 8).
8. L’empreinte écologique potentielle de cinq habitats de Saint-Martin-du-Mont aux époques pré-motorisée et mécanisée de l’agriculture. |
L’examen du parcellaire de 1813 et de l’organisation des cheminements nous montre très classiquement des chemins qui rayonnent depuis les centres d’habitat, irriguant le finage. On observe aussi en sous-imposition, une structure orthonormée. Transmises et transformées par la disposition du parcellaire laniéré, les formes orthonormées régissent de grandes unités intermédiaires dont la cartographie dessine, de façon imagée, les barreaux d’une échelle à deux montants constitués par le tracé de deux voies antiques (T1 et T2). Ces formes orientées est-ouest n’entretiennent pas de dépendance directe avec la plupart des lieux habités, mais disposent au contraire d’une organisation propre, de type coaxial (fig. 9).
9. Relevé des formes orthonormées. | ||
9a. quadrillage | 9b. des chemins rayonnant depuis les habitats (radian) | 9c. fusion de ces deux formes |
Situées sur le plateau entre la vallée de l’Ougne et l’actuel bois de Cestres, ces formes orthonormées constituent un maillage de l’espace correspondant chaque fois à des logiques techniques, économiques voire politiques différentes, ne résultant pas forcément d’actions collectives concertées, mais dont le résultat émergent est néanmoins une organisation cohérente.
Un peu aux marges, deux contrées se distinguent:
10. Relevé des traces d’un parcellaire en bande interprété comme une planification médiévale dans la clairière de Bordes-Pillot. |
Après confrontation aux données archéologiques issues de nos prospections et enquêtes de terrain (fig. 11 et 12), des fouilles et prospections menées depuis 2003 sur un habitat médiéval déserté et alentour (fig. 13), des missions aériennes menées par R. Goguet [8] (fig. 14) et des données spatialisées de la carte archéologique [9] (fig. 15), nous interprétons ces formes orthonormées hybridées avec la structure rayonnante comme étant d’origine antique voire protohistorique pour l’axe T2 (Tène et Hallstatt).
11. Reconnaissance d’un habitat médiéval à l’est de Cestres. | 12. Exemple de fouilles menées dans les années 1930. | 13. Le site déserté des bois de Cestres. | 14. Trace d’un établissement antique en section M à proximité de l’axe T2. |
(fouilles: P. Chopelain, INRAP, cliché: J.-L. Maigrot, 2007) | Reconnaissance d’un établissement antique dit «la Villa», en section G «Champ Guillaume», à l’ouest de l’axe T1, effectuée entre les deux guerres et confirmation par nos prospections (croquis communiqué par P. Gounand, Bordes-Bricard) | (fouilles: P. Beck; J.-L. Maigrot; F. Faucher) . Le site est situé en parcelle 15 du bois de Cestres. À environ 250 mètres de là, au nord-ouest, se situe un point d’eau, le «Puits Gaillard». La fouille en cours a montré qu'il s'agissait d'une construction «pensée» et réalisée avec soin et faite pour durer. Son aspect homogène postule une période de mise en place sans modification ultérieure, et par comparaison avec les caractéristiques du village bourguignon de Dracy une construction médiévale. La fouille permet également d’envisager l'hypothèse d'un abandon de la borde par déménagement préparé (?) mais dont les raisons restent encore largement obscures. (cliché: R. Goguet, 2009). |
(cliché: photo aérienne, R. Goguet 2004) |
Au sud du finage actuel, Fromenteau se signale par sa position de carrefour antique (le «carrefour de Fromenteau). Ce carrefour était alors un pôle suffisamment puissant pour avoir pu détourner partiellement l’axe T2 par un axe de raccordement. Toutefois, il n’influence pas l’orientation des formes orthonormées (fig. 16).
15. Extrait de la carte archéologique | |
15a. Position des sites protohistoriques (Âges du Bronze et du Fer), et antiques en relation avec les tracés antiques et trace de l’axe T1 dans le dessin parcellaire de 1953 | 15b. Mission IGN Semur-St Seine 1953 (Cliché 101) |
À Saint-Martin-du-Mont nous sommes en présence d’un réseau dominant de type radio-quadrillé avec, toutefois, au sud dans la clairière de Bordes-Pillot, un aménagement médiéval en bandes. Ce réseau a été élaboré par les pratiques du territoire sur un temps très long (de l’ordre de deux millénaires ou plus). Il y a de fortes chances pour que plusieurs des axes structurant la forme, radiaux ou quadrillés, renvoient à des états très anciens.
L’usage de la carte est essentiel pour prendre la mesure de l’autonomie morphologique des trois trames — radiale, quadrillée et en bande au sud, cette dernière s’appuyant sur l’axe T2 pour se construire. Autonomie très relative puisque ces formes sont en permanence imbriquées pour construire la forme d’ensemble. Il n’y a aucune lecture chrono-typologique absolue de la carte possible, seule une lecture chrono-typologique relative pouvant être suggérée. Ainsi, dans le cadastre de 1813, le mode d’interconnexions des chemins montrerait que le maillage quadrillé constitue une couche d’information située «en dessous» du maillage radial, ce dernier venant «dessus» (donc postérieur) tout en reprenant nombre des tracés du maillage quadrillé. Dans tous les cas, il n’y a pas de rupture d’un maillage à l’autre.
16. Dynamique des flux de communication et construction du finage (sur la base des limites actuelles du finage). |
La présentation en quatre phases chronologiques correspond à l’interprétation, parfois vérifiée par des fouilles, notamment pour les axes T1, T3 et T4, que nous faisons du réseau viaire napoléonien et actuel. En revanche, la position et l’âge des sites et des établissements protohistoriques, antiques et médiévaux sont confirmés par l’archéologie. |
L’organisation du finage de Saint-Martin-du-Mont est donc un héritage. Il s’agit très probablement d’une construction médiévale et moderne adossée à un héritage antique. Il y a de fortes chances pour que plusieurs des axes structurant la forme radiale ou/et quadrillée du parcellaire renvoient à des états très anciens, à des potentialités un jour inscrites dans le sol et qui ont été réactualisées lors des aménagements médiévaux et actuels. Tout s’est construit lentement sur deux millénaires, le résultat émergent étant cette régularité que nous observons actuellement. Le remembrement, dernier aménagement foncier en date, a de surcroît renforcé la trame des bandes coaxiales qui organise le centre du territoire en s’appuyant sur la trame préexistante. Il apparaît ainsi comme un épisode ne remettant pas en cause la logique radio-quadrillée organisant le finage, ce que montre une image aérienne récente de la commune (fig. 17). Quand à l’ouest du finage, les opérations foncières se sont coulées dans le moule du parcellaire massif préexistant et d’origine plus récente.
17. L’organisation du sol à Saint-Martin-du-Mont. |
Vu d’aujourd’hui, le territoire rassemble des éléments d’histoires différentes, plus ou moins anciens et transmis, ce qui, dans l’allure du parcellaire, crée des discordances entre les formes agraires observées. Le résultat est un mélange d’éléments de diverses époques et de quelques éléments reliques telles que les bordes abandonnées ou le tumulus hallstattien de Château-Manchard.
Mais dans le détail, l’histoire du finage de Saint-Martin-du-Mont reste impossible à raconter (fig. 18). On ne peut pas dire beaucoup de choses des formes antiques préromaines et romaines, si ce n’est que la mise en valeur de la partie centrale devait être effective et que les deux établissements qui y sont localisés près des axes T1 et T2 ont dû jouer un rôle. On ne peut pas non plus décrire dans le détail les étapes de la régularisation progressive de la disposition parcellaire à l’époque médiévale et moderne, si ce n’est soulever quelques pistes et mettre en évidence quelques étapes marquantes comme, par exemple, l’installation des fermes de Champcourt au XVIesiècle accompagnant une histoire agraire différenciée entre l’Ouest du finage et le reste du territoire, ou la mise en forme du parcellaire de Bordes-Pillot au Moyen-Âge, ou bien encore, étant donné la position angulaire des deux sites, le rôle qu’a pu jouer la liaison entre Fromenteau et les Bordes-Pillot, habitats qui semblent apparaître aux XIIe-XIIIe siècles.
Au total, une fois l’ensemble des données dont nous disposons mises en cohérence et interprétées, notamment sous SIG, nous proposons alors l’hypothèse suivante de construction de l’actuel finage de Saint-Martin-du-Mont.
18. Les étapes de la construction du finage de Saint-Martin-du-Mont (sur la base des limites actuelles). |
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