Cartes des vins
L’Atlas mondial des vins propose une succession de 35 planches en double page qui traitent chacune un aspect du monde du vin. Il s’inscrit dans la droite ligne d’une collection maintenant bien connue, qui propose plus de 50 atlas traitant d’une question à l'échelle du monde. Chaque planche présente une série de textes courts et de cartes de qualité, avec une mise en page agréable mais dense. Le petit format, qui rend la manipulation aisée, n’est pas sans conséquence sur la lecture des cartes. Si l’on y ajoute la densité de la mise en page, cela donne aux planches un aspect foisonnant qui les rend parfois difficiles à aborder. Le rapport entre textes et cartes est équilibré mais le lien entre les deux est parfois défaillant. Plusieurs cartes ne correspondent à aucun passage dans le texte. La plupart d’entre elles sont d’une lecture directe, d’autres ont une fonction purement illustrative, sans lien avec l’argumentation développée dans le texte. C’est le cas notamment de la carte des acteurs en biodynamie, p. 52, où l’on présente le groupe «Renaissance des appellations» dont il n’est question nulle part ailleurs dans l’ouvrage; ou encore, p. 63, du plan de la Cour Saint-Emilion à Paris dont l’utilité pour étayer le discours sur les lieux de consommation n’est pas évidente.
L’ouvrage est organisé en cinq chapitres: 1. L’histoire de la vigne et du vin; 2. Une nouvelle configuration mondiale; 3. Les acteurs du vin; 4. Démocratiser la consommation du vin; 5. Les nouvelles dynamiques du vin. Le panorama dressé est large. Tous les aspects sont abordés, de la culture de la vigne à la consommation du vin, en n’omettant aucun des enjeux. Le caractère mondial du vin n’échappe à personne, producteurs ou consommateurs. Professionnels, amateurs éclairés ou grand public, tous savent au moins que la production n’est plus cantonnée aux régions viticoles traditionnelles. En revanche, il suffit de consulter les diagrammes sur l’origine des vins vendus en supermarché, p. 60, pour constater la sous-représentation (3%) des vins étrangers en France et se convaincre de la pertinence d’un atlas mondial. Certes, cet exemple ne concerne que la foire aux vins d’un supermarché français, mais la domination de la production nationale révèle la méconnaissance, voire l’ignorance des vins étrangers qui prévaut en France. La faiblesse des importations ne permet pas de découvrir la variété des productions et limite le choix à quelques produits standards.
La question de la standardisation qui anime les différentes sphères vinicoles (Feiring, 2010 par exemple) n’est pourtant pas abordée de front dans cet atlas. Elle est mentionnée à plusieurs reprises sans que les clés du débat ne soient complètement fournies. Il faut lire entre les lignes pour comprendre que le développement technique ne tire pas la très grande majorité de la production de vin vers la diversité. De ce point de vue, le ton employé est très consensuel, voire complaisant — à moins que ce ne soit de l’ironie — lorsque, p. 32, une citation rhétorique de Robert Parker est mise en exergue pour contredire la progression de la standardisation.
Le vin est toujours associé au concept de qualité, depuis la définition des appellations jusqu’à la dégustation. L’ouvrage montre bien l’ampleur du marché mondial du vin mais on aimerait un propos parfois plus critique ou au moins plus explicite quant à l’articulation marché/qualité (Garcia-Parpet, 2009). Il n’est, en effet, pas toujours aisé de faire la part des choses entre la recherche de qualité émanant d’une part faible de vignerons et les diverses labellisations pour lesquelles la qualité n’est qu’un argument de vente parmi d’autres. Ici, la qualité est avancée comme un facteur essentiel autant pour des productions utilisant les techniques de vinification les plus industrielles que pour des petites productions artisanales. La question posée dans le chapeau de la page 26 est pourtant très claire à propos de «la définition de ce qu’est le vin: un produit culturel issu du monde agricole, ou une simple boisson, comme les eaux minérales ou les sodas?». Pourtant, la qualité semble évaluée ici par rapport à l’existence d’appellations fondées sur l’origine spatiale pour lesquelles la jauge est le système des AOC françaises. Elle est relayée par l’utilisation récurrente dans l’ouvrage du terme «typicité». Cette notion a remplacé progressivement, à leur détriment, l’originalité et l’authenticité dans les critères de dégustation d’agrément des AOC. Cela a entrainé, avec l’utilisation des techniques œnologiques les plus modernes, l’homogénéisation et la standardisation de la production des appellations.
Il est intéressant de constater l’omniprésence dans l’ouvrage des questions, émergentes dans le monde du vin, de l’agriculture biologique, du respect de la nature et de la demande de vins «propres». Même s’il s’agit d’une niche à l’échelle mondiale, ce sujet aurait pu faire l’objet d'une planche en soi. En France, 3% de la production de vin est sous le label AB et les vignerons travaillant de manière plus stricte (biodynamie, vins «nature»…) restent marginaux mais ce secteur connaît une forte croissance (Feiring, 2010). Comme cela est bien signalé dans l’ouvrage, la demande dans ce domaine est plus forte que l’offre.
L’ouvrage met parfaitement en évidence le phénomène de mondialisation, ainsi que la libéralisation qui l’accompagne: il est présent dans tous les chapitres, qu’il s'agisse de production, de commercialisation ou de consommation. En revanche, on regrettera que les auteurs n’insistent pas plus sur les conséquences de ce phénomène sur le vin lui-même. Au fond, l’ouvrage aurait pu s’intituler Atlas de la mondialisation du vin.
Référence de l'ouvrage
SCHIRMER R., VELASCO-GRACIET H. (2010). Atlas mondial des vins. Paris: Autrement, coll. «Atlas-monde», 80 p. ISBN: 978-2-7467-1417-5
Références bibliographiques
FEIRING A. (2010). La Bataille du vin et de l’amour, ou comment j’ai sauvé le monde de la parkerisation. Traduction de l’anglais par Arnaud Pouillot. Paris: Jean-Paul Rocher, éditeur, 260 p. ISBN: 978-2-917411-27-8
GARCIA-PARPET M.-F. (2009). Le Marché de l’excellence. Les grands crus à l’épreuve de la mondialisation. Paris: Le Seuil, coll. «Liber», 266 p. ISBN: 978-2-02-099683-9 (voir aussi le compte rendu dans Mappemonde n°96)