(Re)construire l’image des territoires du Sahara et du Sahel
Dossier Sahara et Sahel, territoires pluriels
Le dossier «Sahara et Sahel, territoires pluriels» met en lumière les dynamiques socio-spatiales qui traversent actuellement le Sahara et le Sahel. Les auteurs des contributions, jeunes chercheurs pour la plupart, partagent, par-delà leurs attaches disciplinaires (sociologie, anthropologie et géographie), un intérêt pour des lectures spatialisées des faits qu’ils observent. Ces recherches récentes permettent d’aller à l’encontre de représentations erronées, souvent héritées de l’époque coloniale, qui perdurent et/ou se renouvellent pour qualifier la zone saharo-sahélienne. Parmi ces mythes véhiculés et entretenus par les discours politiques, les médias ou les imaginaires (Roux, 1991), il en est un en particulier sur lequel nous souhaitons revenir: celui d’un espace qui échapperait à toute forme d’organisation spatiale. Encore aujourd’hui on évoque souvent l’insuffisance de la maîtrise de vastes portions du Sahara et du Sahel par les États. Cette région du monde se trouve alors réduite à une immense zone grise, incontrôlée et incontrôlable. Les recherches empiriques ici présentées vont à contre-courant de ces généralisations et simplifications hâtives, qui résultent d’une méconnaissance du terrain. Ces travaux rendent compte de logiques territoriales bien identifiables, de figures spatiales structurantes, d’ancrages profonds aux espaces. À travers leurs mots, leurs photographies, leurs cartes, les auteurs ont cherché à restituer, à différentes échelles, la diversité des territoires, des territorialités et des recompositions qui émergent au Sahara et au Sahel. En cela, leur vision est diamétralement opposée à celle véhiculée par certaines représentations graphiques largement diffusées dans les médias, qui entretiennent l’image d’un espace «lisse» et uniforme [1].
Revenir sur quelques-uns de ces poncifs s’avère d’autant plus nécessaire qu’en l’espace d’une décennie, le Sahara a connu d’amples changements qui invitent à prendre encore plus de distance avec sa mythification première et à compléter les grands travaux de Marc Côte (2002) ou encore ceux de Jean Bisson (2003). Après avoir été le Sahara des nomades et des jardiniers d’oasis, il est devenu, un temps, le Sahara des touristes en quête d’authenticité, puis le Sahara des migrants avant d’être identifié comme celui des terroristes. Tandis que le Sahara a été mythifié, le Sahel a, quant à lui, été présenté comme une terre de malédiction. On l’a dit trop densément peuplé, pour des ressources fragiles et faibles, écrasé par le soleil et battu par de trop rares pluies d’une violence extrême. Pour beaucoup, le Sahel est resté l’espace de l’attente, le principal foyer de la migration vers l’Europe, le lieu de prédilection de l’interventionnisme «développementaliste», et désormais, une zone condamnée par le réchauffement de la planète. Notre objectif est de nous démarquer des approches qui tendent à verser dans la diabolisation et/ou le misérabilisme acritique face à cet espace en pleine mutation.
Si le Sahara et le Sahel sont généralement présentés comme deux entités distinctes, à l’origine pour des raisons climatiques, nous entendons considérer davantage ce qui les rapproche. Au-delà d’oppositions souvent réductrices (opposition nomade/sédentaire, par exemple), le Sahara et le Sahel sont marqués par la continuité (Retaillé, 1993). Cela n’empêche pas que le Sahara présente deux visages, résultat de son partage politique au lendemain des indépendances. Les traitements territoriaux ont été extrêmement dissymétriques de part et d’autre des frontières, ce qui a entraîné une différenciation, assez généralement admise, entre un Sahara nord-africain et un Sahara modelé par sa proximité avec le Sahel. Le premier est assez largement désenclavé, asphalté et urbanisé. Ce qui n’est pas le cas du second, loin s’en faut. Le tropisme économique et migratoire nord-africain s’exerce avec force sur les parties désertiques des États méridionaux de la zone et de manière non négligeable jusque dans les parties sahéliennes de ces États. Les réseaux d’échange ont été un puissant ciment de l’espace saharo-sahélien avant et au lendemain des indépendances. Ils ont continué à s’étoffer durant les années 1980. Mais, ces dernières années, les médias et les politiques semblent oublier ces liens anciens pour ne retenir que les migrations de «clandestins» en partance vers l’Europe et qui transitent par le Sahara et le Sahel. Les gouvernements des États donnent l’impression de ne pas être en mesure de gérer cette intense mobilité, entretenant l’idée qu’ils ne parviennent pas à contrôler l’intégralité de leurs territoires.
En interrogeant les mutations sociétales du point de vue de leur propension à fabriquer des territoires, en démontrant qu’elles font pleinement sens comme indices des recompositions régionales et locales, nous souhaitons donner à voir la pluralité des figures spatiales qui structurent aujourd’hui la zone saharo-sahélienne: à la fois celles qui perdurent, celles qui seraient réactivées et d’autres qui émergent. Trois grandes idées, très imbriquées, nous servent de fil directeur. Elles traversent les questions soulevées par les auteurs de ce dossier permettant ainsi de prendre le contre-pied du mythe de la zone grise déterritorialisée.
Le Sahara et le Sahel sont désormais de plus en plus urbains
Pendant longtemps, le Sahara et le Sahel ont été présentés comme des espaces clos, renfermés sur eux-mêmes, peu urbanisés et dominés par un monde rural immuable. Dans cette représentation, l’oasis ou le village sahéliens apparaissaient comme des entités hors du monde et du temps. En 1925, Jean Brunhes suggère qu’une «géographie du tout» est possible à la condition de travailler sur des unités spatiales isolées, «des petits mondes». À ce titre, il propose justement d’étudier «les oasis», «îles humaines» du désert, renvoyant à la métaphore du désert comme un océan où la vie n’est présente que sous forme d’isolats. Objet facile à appréhender, du fait de sa situation insulaire, Brunhes pense qu’il est possible de saisir à partir de l’oasis «les faits de géographie humaine dans leur naturelle et totale complexité».
Il serait bien malaisé d’appréhender de la sorte l’oasis d’aujourd’hui. Celle-ci est souvent une ville de bonne taille, aux connexions parfois endormies — le commerce transsaharien, les flux des déplacés de générations précédentes — qui peuvent être structurantes mais difficilement visibles. Autour d’elle, le monde change. Et l’oasis, comme le désert qui l’environne, en fait bien partie. Les oasis finement ciselées par les jardiniers sédentaires laissent place à des villes habitées et signifiées par des néo-citadins. Loin d’être un isolat à l’écart des dynamiques mondiales, l’oasis contemporaine serait bien plutôt l’émanation de logiques territoriales extérieures, celle sélective des réseaux de transport de marchandises et de migrants comme à Dirkou (Julien Brachet) ou Tamanrasset (Régis Minvielle) par exemple, ou celle plus puissamment uniformisante des États comme dans le cas des oasis du Sahara égyptien (Martine Drozdz). L’exemple de la Nouvelle Vallée en Égypte montre, en effet, combien l’État a lancé et accompagné le développement des oasis intérieures et les villes du littoral, rééquilibrant (partiellement du moins) le territoire. À travers les différents exemples développés dans le dossier, on comprend que les oasis, aussi petites soient-elles, sont des lieux qui structurent un espace autrement plus vaste. Pareil constat peut être fait à partir de villages sahéliens, qui sont tous reliés à des pôles urbains qui dynamisent la région à l’échelon supérieur.
L’émergence du fait urbain au Sahara et au Sahel constitue une question centrale des travaux menés durant ces dernières années (Pliez, 2011). Si cette urbanisation a été dans la plupart des cas spontanée, du moins dans une phase initiale, l’État s’est ensuite souvent investi au point de devenir l’un des principaux acteurs de l’aménagement. Mais son implication est inégale selon les régions, très prégnante du Maroc à l’Égypte (Martine Drozdz), plus modeste sur le versant sahélien. Dans nombre de pays de la zone, l’État s’est même mué en créateur de villes, redessinant ainsi les hiérarchies urbaines. Pour certains pays saharo-sahéliens, tels que la Mauritanie ou le Soudan, la construction de la capitale se situe au cœur du projet national(iste) (Choplin, 2009). En dépit des choix politiques qui peuvent dessiner d’autres horizons (arabité, etc.), tous les pôles urbains de la zone assurent la rencontre entre populations sahariennes et sahéliennes. Et, quand bien même la nature des échanges, qu’ils soient marchands et/ou culturels, a changé, la ville conserve sa fonction première de carrefour grâce à sa localisation sur les principaux axes de communication. Il en va ainsi depuis sa création: nombre de forts construits aux croisements des pistes par les puissances coloniales sont devenus des villes de premier plan (fig. 1).
1. Extensions urbaines de Nouakchott | |
Avec un million d'habitants, la capitale de la Mauritanie est l'une des plus grandes villes saharo-sahéliennes. (© En Haut !, septembre 2009) |
Souligner l’importance des villes dans l’espace saharo-sahélien ne doit pas conduire à occulter le rôle que conserve le monde rural. Ville et campagne ont généralement été présentées comme deux mondes opposés, le premier vidant le second de ses forces de travail. C’est oublier là qu’elles entretiennent des relations très intriquées, ce que souligne Martine Drozdz en rappelant que l’État égyptien a cherché à urbaniser et développer les campagnes. Pareille logique d’articulation se retrouve sur les franges méridionales. Échanges et complémentarités sont de mise entre ville et «brousse», ne serait-ce que par les migrations circulaires et temporaires, les transferts d’argent, les activités. À travers l’analyse de l’élevage pastoral et de la filière laitière au Sénégal, Géraud Magrin et Olivier Ninot rendent compte de cette complémentarité entre villages (lieux de production et de collecte), petits marchés ruraux (lieux de commercialisation) et pôles urbains, tels Dakar et Saint-Louis où sont transformés et consommés viandes et produits laitiers. Selon cet emboîtement d’échelles, la ville occupe une place croissante dans les stratégies des populations rurales et pastorales. Ces dernières, par la mise en culture de certaines terres, les mobilités vers la ville ou les migrations à plus longue distance, se déploient sur de vastes territoires. En complétant de multiples manières les minces ressources de l’élevage, elles développent ainsi des stratégies cohérentes en réponse aux vulnérabilités qui les affectent.
Comprendre cet espace suppose donc de placer la focale tant sur les espaces urbains que ruraux. Aujourd’hui comme hier, les ruraux viennent ponctuellement ou durablement dynamiser ces pôles urbains. Il en est de même pour les migrants subsahariens qui transitent par ces lieux. Les médias qui se sont largement emparés de la question migratoire omettent souvent de dire que ces villes, dont ils semblent découvrir la fonction de transit, ont depuis toujours accueilli des populations venues de tous horizons.
Toutes les pistes sahariennes et goudrons sahéliens ne mènent pas en Europe
Ces dernières années, le Sahara comme le Sahel ont été présentés comme les espaces de transit pour les migrants qui espéraient gagner l’Europe. Ce transit, largement médiatisé, a donné l’impression que pistes et goudrons étaient exclusivement empruntés par des migrants internationaux qui s’apprêtaient à franchir «clandestinement» la mer Méditerranée. Il a ainsi largement occulté les autres intenses mouvements de population qui se déploient depuis longtemps «entre les deux rives du Sahara» (Bredeloup, Pliez, 2005). Le Sahara et le Sahel ont en effet été, et demeurent, des «espaces de circulation» par excellence entre l’Afrique subsaharienne et l’Afrique du Nord. Évoquer ces flux migratoires, donner toute sa place au point de vue saharien et sahélien (voire africain), et non plus seulement européen comme les médias nous y ont souvent habitués, est devenu un impératif (Lessault, Beauchemin, 2009).
Ce transit, impossible à quantifier, a donné lieu à de multiples surenchères et spéculations amplifiées par la difficulté à contrôler ces espaces. Sont mises en cause les fatalités de la géographie saharienne, comme le souligne le rapport de la mission technique en Libye sur l’immigration illégale commandé par la Commission européenne en 2004 (European commission, 2004). Ce rapport rappelle que «le contrôle des frontières (de la Libye) est significativement affecté par leur longueur (4 400 kilomètres de frontières perméables avec six pays, et une ligne de côte de 1 770 kilomètres)». L’image des grands espaces et de leur «lissitude» supposée, une nouvelle fois mise en avant, relève pourtant plus du mythe que de la réalité vécue par ceux qui y circulent. Le contrôle des frontières est réel depuis l’externalisation de la frontière de l’Union européenne sur le continent africain. Depuis les années 2000, avec l’externalisation de la frontière de l’Union européenne, les migrants subissent la diffusion progressive des contrôles européens depuis la mer Méditerranée jusqu’aux confins du Sahara et du Sahel, des côtes mauritaniennes au Soudan. Ce renforcement des contrôles et les entraves à la mobilité ont perturbé les anciens réseaux d’échanges et provoqué l’inversion des flux migratoires (une preuve de leur réversibilité). Les différentes cartes produites pour montrer ces flux ne rendent généralement pas compte de cette réversibilité. La représentation par de simples flèches peut occulter la multiplicité des temporalités et des stratégies, lesquelles demeurent difficiles à cerner faute de corpus statistique fiable concernant l’espace géographique en général et ce type de flux humains en particulier [1].
Dans le but de décentrer et de renouveler le regard, le dossier ici présenté s’intéresse autant aux mobilités et aux différentes formes que celles-ci peuvent revêtir qu’à la migration. L’article de Julien Brachet démontre que les migrations transsahariennes n’ont fait que se surimposer à d’autres mobilités plus anciennes. Le Sahara apparaît, selon son expression, comme un «espace feuilleté» où se superposent et se recoupent en certains «lieux passerelles» les territoires des nomades, pasteurs, cultivateurs, transporteurs, migrants et agents de l’État (militaires, douaniers, policiers). L’un de ces lieux passerelles majeurs est la ville par laquelle les migrants transitent. Certains s’y retrouvent même «coincés», faute de pouvoir poursuivre leur route à cause des contrôles renforcés. À leur tour, ils transforment cette ville structurante. Ainsi, du quartier à la frontière en passant par les routes, de véritables fabriques territoriales matérielles et/ou symboliques redessinent le Sahara dans son ensemble et participent de la redéfinition de ses liens avec les régions qui en sont frontalières, notamment le Sahel.
Un zoom sur Tamanrasset prolonge cette idée, rappelant que le transit n’est qu’une fonction de ces villes sahariennes parmi d’autres. Le carrefour migratoire se fond finalement dans la ville d’État, ce dernier ayant consenti à de lourds aménagements urbains. Ce n’est souvent qu’à l’échelle la plus fine que l’on peut saisir la place qu’y occupent réellement les migrants subsahariens. Comme l’explique Régis Minvielle, ces derniers ont tendance à se rendre invisibles, s’installant dans les périphéries ou les interstices urbains. Cet exemple algérien interroge plus largement la place souvent discrète que les migrants occupent dans les villes dites de transit. Il n’existe pas de modèle unique d’implantation urbaine des migrants: le cas de Tamanrasset diffère radicalement, par exemple, de celui de Nouadhibou, en Mauritanie où les migrants sont plus visibles parce qu’ils occupent le centre-ville (Choplin, Lombard, 2007). Et si les migrants marquent les villes de leur empreinte (toponymes, activités commerciales, usage intense des espaces publics), c’est bien souvent de manière éphémère car leur présence dépend des fluctuations des politiques et des modalités changeantes de contrôle de la migration. Plus que des «villes de transit», il semble qu’il y ait eu, pour un temps, certains espaces ou «morceaux de villes» marqués par cette fonction (quartiers d’installation de migrants parfois dénommés «ghettos», gares routières…).
Ces exemples démontrent que les pistes (que les migrants et les transporteurs sont bien forcés de suivre), autant que les aspérités physiques (dunes, montagnes, passes…) ou les contraintes politiques et policières dictent les voies de passage et rythment les temps d’arrêt. La déterritorialisation du «Dark Sahara» (Keenan, 2009) est loin d’être évidente. Certaines parties de l’espace saharo-sahélien sont bien plus quadrillées et contrôlées qu’on veut bien le laisser entendre [2].
Tout le monde ne bouge(ra) pas au Sahara et au Sahel
L’idée d’un espace incontrôlé s’accorde bien avec l’image de populations nomades incontrôlables. Les «hommes bleus» de la «zone grise» se déplaceraient de façon anarchique et insoumise sur des territoires non structurés et non clairement identifiables. Parallèlement à la persistance de ce mythe, la métaphore indémodable du «nomade», empruntée à la pensée deleuzienne, s’est largement diffusée ces dernières années pour évoquer l’individu évoluant dans un monde «liquide» et postmoderne. La figure du nomade s’est alors retrouvée plaquée sur des réalités fort différentes des quotidiennetés des migrants ou des populations maures, touaregs, peules, toubous (Pliez, 2011).
À l’opposé de cette métaphore nomade décontextualisée, de récents travaux ont cherché à décrire la complexité des mobilités africaines construites sur le long terme (Bruijn et al., 2001; Hahn, Klute, 2007). Malheureusement, ces nombreuses recherches ne sont pas parvenues à casser les préjugés et à produire une meilleure connaissance des processus. Pire, elles ont pu être instrumentalisées pour amplifier cette image d’une Afrique où tout le monde bougerait et ce, de façon désorganisée. Médias et politiques prédisent, en effet, un fort accroissement des migrations au cours des prochaines décennies, phénomène qu’ils rapprochent du réchauffement climatique global. Ce dernier, si souvent confondu avec la variabilité climatique sahélienne, est très symptomatique des raccourcis opérés à propos de cette région. Il débouche fréquemment sur l’idée que des milliers de «réfugiés climatiques» ou «réfugiés écologiques» vont à leur tour se masser aux portes de l’Europe. En somme, la figure du réfugié de l’environnement semble progressivement prendre le relais, ou du moins se superposer à celle de l’«aventurier» africain en transit.
La situation est pourtant plus contrastée et plus complexe que ce simple rapport de cause à effet entre réchauffement climatique et migrations massives des Subsahariens vers l’Europe. Comme nous essayons de le démontrer tout au long de ce dossier, les mobilités suivent des logiques spatiales claires et non des logiques déterministes floues. Ce point est essentiel pour déconstruire l’idée d’une avancée du Sahara et d’une vulnérabilité intrinsèque au Sahel face auxquelles les populations demeureraient impuissantes. C’est dans cette perspective que se place Riccardo Ciavolella. À travers l’exemple d’un groupe de pasteurs peuls d’origine nomade en Mauritanie, il explique que tous les individus ne circulent pas, et lorsque c’est le cas, ce n’est ni sur les mêmes distances et ni de la même façon. Bien que ces Peuls aient hérité d’une culture de la mobilité construite sur le temps long en réaction entre autres aux conditions écologiques, ils subissent désormais des entraves à la mobilité, faute de moyens et de réseaux. Pauvres et marginalisés au niveau politique, ils ne disposent pas de «capital mobilité». À l’opposé, leurs voisins Soninké, traditionnellement sédentaires, ont réussi à déployer leurs réseaux migratoires à l’échelle internationale. Aussi, aujourd’hui, ce n’est plus tant la «culture de la migration» que le «capital mobilité» qui influe et sous-tend les mouvements de populations.
Conclusion
Le Sahara et le Sahel désorientent, comme le suggère Jean-Claude Vatin (1984), «au double sens de découverte et de perte du sens de l’Orient». Cette désorientation ne doit pas pour autant laisser mythes et stéréotypes envahir les imaginaires et dicter les représentations cartographiques. Ce dossier qui s’appuie sur des recherches conduites in situ tente de rappeler qu’au-delà de la projection de représentations simplistes, ces régions sont fortement structurées par des logiques spatiales et connaissent des mutations de grande ampleur.
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