N°106

La «crise» dans l’Union européenne vue par les cartes

Crise, dette, rigueur… sont des mots souvent entendus aujourd’hui. Les agences de notation financière sont en première ligne: Moody’s et Standard & Poor’s dégradent la note attribuée à la dette publique à long terme, abaissent la note de solvabilité, mesurent le risque de non-remboursement des dettes de tel ou tel pays… Certains pays font régulièrement la une des médias. Il n’est pourtant pas toujours facile de comprendre pourquoi on leur applique des notes de plus en plus défavorables, ou pourquoi leurs bailleurs de fonds et partenaires leur imposent des plans de rigueur drastiques.

Dans le même ordre d’idées, il n’est pas aisé de savoir comment se distribuent les pays face à la crise: quels sont ceux qui sont les plus touchés ou ceux qui y échappent?

Le Nouvel Observateur dans un long dossier «Spécial Crise», paru en 2011 [1], a étudié la question, comme nombre de médias. On trouve dans ce dossier «la carte 2011 des risques» (fig. 1). Notre propos est d’analyser cette carte [2], que l’on critiquera d’abord du point de vue de la sémiologie graphique. On proposera ensuite de nouvelles solutions cartographiques pour permettre un approfondissement et une spatialisation adéquate des indicateurs économiques et financiers pris en compte dans ce document. L’objectif est donc, en partant d’une production cartographique «grand public», de montrer l’ensemble des problèmes sémiologiques et statistiques qu’elle pose, et de suggérer des pistes raisonnables d’amélioration pour un document produit pour la presse de grande diffusion.

1. «La carte 2011 des risques»
©Le Nouvel Observateur n° 2453, tous droits réservés

En introduction de ce dossier, Laurent Joffrin, directeur du Nouvel Observateur, propose un éditorial intitulé «Le piège de la rigueur»; insistant lourdement sur le mot «rigueur», qui apparaît plus de dix fois. Après cet éditorial, les journalistes développent «quatre pistes pour s’en sortir» (Europe fédérale, à l’allemande, alternative, ou enfin souverainiste). Enfin, dans la section «Comment guérir l’Europe?» on trouve la fameuse «carte 2011 des risques». Placée sur la moitié supérieure de la page 46, la carte n’est accompagnée d’aucun commentaire écrit et aucun des textes du dossier n’y renvoie explicitement. Au-dessus de cette carte est disposé un rectangle où est écrit en rouge sur fond noir «Spécial Crise».

Un certain flou règne donc et l’articulation de cette carte aux textes du dossier n’est pas évidente. La notion de «crise» n’est, par exemple, pas clairement définie et les indicateurs qui pourraient en rendre compte ne sont pas non plus explicités. Par ailleurs, bien que les deux mots clés du dossier soient «rigueur» et «crise» le titre de la carte ne mentionne que les «risques».

Ce document, qui se veut probablement une cartographie des fragilités et de la sensibilité à la crise, interroge donc à plus d’un titre: comment le qualifier précisément? Pourquoi y trouve-t-on quatre indicateurs (dette, croissance, déficit public, chômage)? Pourquoi ne représenter que douze pays de l’Union européenne?

Une «mauvaise» carte?

Cette carte peut être considérée, à plus d’un titre, comme une carte qu’il faut «reprendre» afin d’en avoir une visualisation rapide et utile et de rendre compte de la distribution spatiale des indicateurs proposés. Elle est surchargée d’informations. La carte elle-même, qui donne uniquement «à voir» le pourcentage de la dette publique par pays, est en partie cachée par douze fenêtres où sont inscrits les noms des pays concernés et trois indicateurs économiques et sociaux: le taux de croissance du PIB, le déficit ou excédent public et le taux de chômage (en %). C’est aussi une carte «à lire» puisque les données quantitatives (trois sur quatre) sont indiquées dans les fenêtres. En fait, seule la dette publique est donnée «à voir». Cette visualisation est d’ailleurs correctement réalisée par un à-plat de couleurs ordonnées: du vert pour les pays où la dette est la plus faible au rouge pour les pays où elle est la plus forte. Cette « carte» est avant tout un répertoire d’informations ponctuelles localisées par État que le lecteur peut consulter à sa propre initiative au gré de ses besoins.

L’habillage de la carte pose également question sur plusieurs points: justification du titre, absence d’échelle graphique, choix du surlignage rouge pour les pays et choix du caisson rouge «plus de 120%» de dette publique pour la Grèce et l’Italie.

Il est impossible de voir quelle est la répartition des pays en fonction des quatre variables statistiques retenues. Seule une lecture élémentaire (pays par pays) est possible, soit guère plus qu’un tableau des données (tableau 1) qu’il a fallu corriger cependant pour la Grèce: - 4,5% au lieu de 5% pour le taux de croissance (chiffres fournis par plusieurs sites: Eurostat, INSEE).

On peut également s’interroger, d’une part, sur le choix de ces 12 pays et, d’autre part, sur les indicateurs et sur leur pertinence.

Un fond de carte avec 12 pays de l’Union européenne seulement

Depuis 2007, l’Union européenne compte 27 membres [3]. L’Union européenne à 12 membres date de 1990 avec la réunification de l’Allemagne. Mais ici, le Luxembourg, pourtant un des membres fondateurs de l’Europe depuis 1957 (CEE, Communauté économique européenne), n’est pas pris en compte. En revanche, le 12e État inscrit sur la carte est la Suède qui, elle, n’a rejoint l’Union européenne qu’en 1995. À cette date, l’Union européenne comptait 15 membres avec, certes, la Suède, mais aussi la Finlande et l’Autriche, qui ne sont pas traitées sur la carte. Outre le côté pédagogique (avec révision voire interrogation à partir de cette carte tronquée de l’Union européenne), que peut représenter une telle carte auprès des élèves ou des citoyens? Il est difficile de comprendre ce qui a pu motiver les auteurs dans le choix de ces 12 États. Une carte de l’Union européenne à 27 aurait été plus d’actualité.

Mais au-delà du choix des pays, se pose la question du fond de carte à utiliser. Dans la suite du présent article, les fonds de carte sont de trois sortes, du plus détaillé au plus simple:

Le fond de carte doit être considéré non pas comme «un donné» mais comme «un construit» et il doit être choisi en fonction de l’objectif que l’on se fixe. Ici, l’objectif principal est de donner «à voir» et à comprendre la distribution d’un ou de plusieurs indicateurs concernant la crise dans 12 pays de l’Union européenne.

Les indicateurs pris en compte

Définition des indicateurs

Une définition des indicateurs économiques et sociaux s’impose au départ pour comprendre de quoi l’on parle [4]:

Le choix des indicateurs est-il pertinent pour informer sur la crise?

Cette notion de «crise» (mot–mana ou mot-valise) interroge tout d’abord (Cordonnier, 2012). On parle à tout va de «la crise», mais qu’est-ce au juste? Crise de quoi, pour qui? Si l’on s’en tient à la crise sur le plan qui nous intéresse, elle peut être définie comme une «rupture d’équilibre entre la production et la consommation, caractérisée par un affaiblissement de la demande, des faillites et le chômage» (Larousse). Mais la crise peut prendre des formes diverses. La crise économique, par exemple, est une dégradation brutale de la situation économique d’un pays ou d’une zone économique dans une période où la croissance diminue, où le chômage augmente, etc. La crise financière qui a éclaté à l’été 2007 est due à plusieurs phénomènes (par exemple, «au niveau mondial, un manque de coopération économique entre les principaux pays») qui dépassent le seul cadre de l’Union européenne (Ricol, 2008). Mais ce qui surprend dans le dossier du Nouvel Observateur est que les indicateurs proposés sur la carte ne sont pas discutés en relation avec la «crise», ni avec la «rigueur» qui est évoquée. Les quatre variables statistiques sont certes des indicateurs économiques et sociaux de risque de crise, mais pourquoi les avoir choisis?

C’est un exercice difficile pour un non économiste que de déterminer les indicateurs pertinents qu’il faudrait prendre en considération. La crise économique et financière marque un profond retournement de la situation d’un pays. Il n’y a pas de critères consensuels pour mesurer la crise et le choix d’indicateurs adaptés ne va pas de soi. Un autre point à souligner est que la gravité des indicateurs ne s’additionne pas; il y a un système de corrélations entrecroisées, introduisant une spirale systémique infernale qui fait que lorsqu’un pays est durement atteint, comme la Grèce, sa situation continue à se dégrader. Cependant, parmi les nombreux indicateurs économiques qui reviennent souvent figure le PIB dont on surveille le taux de croissance afin de mesurer la croissance économique. D’autres indicateurs sont aussi fréquemment pris en compte: toujours par rapport au PIB, la dette et le déficit ou l’excédent public, et également le taux de chômage. Au final, les quatre indicateurs choisis par les auteurs de la figure 1 paraissent pertinents, même s’il en existe de nombreux autres: le PIB par habitant ou le PIB par rapport aux prix du marché, le taux d’inflation, ou d’autres taux ou indices (production, revenus, salaires, richesse, etc.) comme, par exemple, le taux d’intérêt du remboursement de la dette (Allemagne 2,74%, France 3,4%, Espagne 5,83%, Grèce 16,15% en juillet 2011), ou encore l’IPCH (indices des prix à la consommation harmonisés), conçus pour la comparaison de l’inflation des prix à la consommation. On le voit, le nombre des indicateurs pourrait s’allonger indéfiniment ([5]; Ledent, 2010).

Ces variables pourraient aussi être réduites comme pour l’économiste (qui tient à rester anonyme) interrogé à ce propos: «…si le “risqueur”, celui pour lequel vous vous inquiétez du risque, c’est le peuple en son entier, tout dépend du montant de la dette par rapport au PIB. Avec une croissance normale, les économistes européens avaient calculé qu’une dette n’excédant pas 60% du PIB était “soutenable”. Tous les pays sont hors de cette limite. Mais à pourcentage égal, le risque est plus grand si vous avez un potentiel réel moyen de croissance (au-delà des aléas conjoncturels) de 2,5% à 3% (Allemagne) que si vous n’avez qu’un potentiel de 1,5% (France); la dette doit être mise en relation avec le taux de croissance, donc seuls la dette publique en % du PIB et le taux de croissance du PIB pourraient être des variables suffisantes pour comprendre la crise» [courriels, février 2012].

C’est donc un réel problème de fond que celui du choix des indicateurs et, bien entendu, ce choix peut induire des analyses plus ou moins différentes, choix d’autant plus difficile que, comme le souligne Christian Chavagneux (2011): «À partir de quand un pays est-il tellement endetté que ses créanciers doivent craindre de ne pas être intégralement remboursés? Répondre à cette question n’a rien d’évident. En effet, s’il existe des éléments objectifs d’analyse, d’autres ressortent plus d’une appréciation générale subjective quant à l’avenir des politiques économiques et du modèle de croissance du pays. Au final, aucune règle précise ne permet de déterminer le niveau de dette maximum qu’un pays peut rembourser, le niveau de soutenabilité comme disent les économistes».

Quelle(s) carte(s) faut-il faire?

À partir de ce constat et tout en conservant les 12 pays de l’Union européenne et les quatre indicateurs de la carte initiale — afin d’établir une comparaison —, que peut-on faire pour obtenir une ou des «carte(s) utile(s)», dont la perception serait rapide, facilement compréhensible, éventuellement mémorisable, et qui puisse répondre aux questions d’ensemble de l’information à savoir, la position des pays en fonction de chaque indicateur, de l’ensemble des quatre indicateurs, et au final de savoir quel est l’impact géographique de la crise économique et financière?

Avec les informations contenues dans le tableau des données (tableau 1), deux types de cartes peuvent être proposés:

Dans les deux cas, une discrétisation des données est réalisée.

La collection de cartes

Dans ce type de cartes, une des difficultés réside dans le choix de la discrétisation (découpage en classes d’une série statistique). Je ne reviendrai pas sur les différentes méthodes de discrétisation (mathématiques, statistiques, graphiques, etc.) qui s’offrent au cartographe; cela est bien explicité dans de nombreux ouvrages (Cauvin et al., 1987; Béguin, Pumain, 1994; Bord, Blin, 1995). Chaque méthode présente des avantages et des inconvénients. De nombreux logiciels de cartographie proposent des méthodes de discrétisation. Philcarto par exemple (Waniez, 2010) en présente six et suivant la méthode de discrétisation choisie, les cartes réalisées peuvent être assez différentes les unes des autres (Bord, 1995). Le choix de la méthode est donc particulièrement important. Cependant, dans «un monde à portée de clic», pour reprendre l’expression de Sylvain Genevois (2007), il n’est pas sûr que la raison l’emporte sur la facilité. Pour la collection de cartes proposée (fig. 2), j’ai choisi la discrétisation graphique selon les seuils observés dite aussi méthode des «seuils naturels». Cette méthode n’est, cependant, acceptable et intéressante que si des discontinuités existent réellement, ce qui est le cas pour les quatre variables statistiques cartographiées, pour lesquelles quatre classes ont été choisies. La lecture se fait ici carte par carte. Ainsi, pour la première carte: « taux de croissance en % du PIB», apparaissent des zones avec un taux de croissance qui va du positif au nord vers le négatif au sud: la Suède, au nord, présente le taux de croissance le plus élevé (+ 4,3%), à l’opposé, au sud, la Grèce et le Portugal ont des taux négatifs. Entre les deux, l’Allemagne et la Belgique sont dans la tranche supérieure (entre 2 et 3%), alors que les autres pays ont des taux de croissance entre 0 et 2%, et près d’un point sépare la Belgique (2,4%) de la France et des Pays-Bas (1,6%). La lecture peut également se faire pays par pays afin de les situer dans l’ensemble étudié: la France, par exemple, occupe toujours une position médiane quelle que soit la variable prise en compte. Néanmoins, ce type de cartographie ne permet pas d’avoir et «de voir» comment les pays se distribuent face aux quatre indicateurs pris ensemble. Pour cela, un traitement des données débouchant sur une carte de synthèse est plus approprié.

2. Cartes des risques en 2011

Traitements des données et cartes de synthèse

Deux types de traitement ont été réalisés: statistique avec une ACP (analyse en composantes principales) et graphique avec une matrice ordonnable.

Carte de synthèse après traitement statistique multivarié type ACP [7]

La matrice des corrélations [8]
L’observation des résultats obtenus à partir de la matrice des corrélations permet de déterminer différentes relations entre les variables (tableau 2).

Les oppositions statistiques: l’analyse des corrélations négatives (sens de variation opposé) permet de déterminer certains types de relations. Elle démontre l’existence d’une opposition structurelle entre certaines variables économiques notamment entre la dette publique et le taux de croissance plus le déficit public, entre le taux de chômage et le taux de croissance, entre le taux de chômage et le déficit public.

Les associations statistiques: l’analyse des corrélations positives (sens de variation parallèle) permet de déterminer le lien entre certaines variables. Elle démontre l’existence d’une association entre la dette publique et le taux de chômage mais aussi entre le taux de croissance et le déficit public.

L’approche axe par axe
Le premier axe factoriel, qui résume 67,63% de la dispersion totale du nuage de points, permet de différencier deux ensembles de pays (fig. 3):

3. Le premier axe factoriel: 67,63% du nuage de points

Le deuxième axe factoriel, qui résume 17,08% de la dispersion totale du nuage de points, est bien différent du premier et permet de différencier deux ensembles (fig. 4):

4. Le deuxième axe factoriel: 17,08% du nuage de points

Le troisième axe factoriel, qui résume 9,87% de la dispersion totale du nuage de points, permet de différencier deux ensembles (fig. 5):

5. Le troisième axe factoriel: 9,87% du nuage de points

La projection des individus et des variables sur les axes factoriels 1 et 2 (les plus représentatifs) permet de déterminer quatre types de pays selon les critères retenus (fig. 6):

6. La carte de synthèse: projection sur les axes factoriels 1 et 2

Notons que cette typologie n’est valable que dans le contexte de l’analyse statistique, soit les 12 pays traités et les quatre variables statistiques.

Au total ce type de traitement, en multipliant les cartes, met en place de nombreuses oppositions tant spatiales que sur les indicateurs.

Carte de synthèse après traitement matriciel type matrice ordonnable
Le traitement des données de type matriciel est réalisé par une matrice ordonnable – traitement qui permet de traiter les données d’un tableau de type différentiel/différentiel, ce qui est le cas ici, puisque nous avons des variables (différentes les unes des autres) en données relatives en x, et des pays (également différents les uns des autres) en y.

La construction matricielle est une construction xy qui calque le tableau des données, mais à condition: que les nombres soient transcrits en z par une variation visuelle ordonnée du blanc au noir; et que les lignes et/ou les colonnes soient reclassées pour faire apparaître les groupements.

Le but de cette construction est de rapprocher ce qui se ressemble (indicateurs, pays) afin de mettre en place des ensembles, voire des sous-ensembles, faciles à voir et à retenir, à la base d’une typologie qui servira de légende à la carte.

Cette construction se déroule en plusieurs étapes (Bord, Blin, 1995):

7. L’impact de la crise en 2011
8. L’impact de la crise en 2011 (carte simplifiée)

Comme tout traitement, celui-ci présente des avantages et des inconvénients. L’un des inconvénients est que ce traitement est réalisé manuellement [9]. Mais pour un petit nombre de données comme ici (4 x 12 soit 48) cela n’est guère gênant. Au contraire, le fait de passer par ces différentes étapes permet de se familiariser avec les données, de s’en imprégner. Les traitements «automatisés» offrent plus de rapidité mais ne permettent pas la même connaissance des données traitées. L’inconvénient devient ici un avantage.

La matrice finale (tableau 5) propose un classement simple en trois groupes. Il serait possible d’avoir plus de groupes, mais pour si peu de pays, cela ne paraît guère utile. La place des pays intermédiaires pourrait ainsi évoluer: la Belgique, par exemple, avec un fort taux de croissance, pourrait intégrer le groupe des pays peu touchés par la crise, mais sa dette est trop importante; l’Espagne et l’Italie pourraient se hisser dans le groupe des pays intermédiaires, mais leur taux de croissance est plus faible (0,7 et 0,6% respectivement contre 1,1 pour le Royaume-Uni et 1,6% pour la France) et la dette publique de l’Italie est très forte.

Au final, la carte montre une distribution des pays qui oppose trois ensembles:

Une carte «simplifiée» (ou schéma) (fig. 8) peut rendre compte facilement de ces oppositions.

Que retenir de ces cartographies multiples?

Cette panoplie de cartes montre, tout d’abord, qu’il est possible de réaliser plusieurs cartes à partir des mêmes données et qu’un choix s’impose dès le départ en fonction de ce que l’on veut montrer. Les sept cartes présentées ne sont cependant pas les seules cartes possibles, d’autres types de cartographies auraient pu être réalisés (cartogrammes par exemple).

Ici, le but initial était de voir la répartition de 12 pays de l’Union européenne en tenant compte des quatre indicateurs. Si la collection de cartes est une solution, elle ne trouve un intérêt que pour une analyse carte par carte. En ce sens, elle peut être un complément utile par rapport à une carte de synthèse où toutes les variables sont regroupées pour produire une typologie. Pour ce qui est de la carte de synthèse, le traitement matriciel apparaît plus accessible que le traitement statistique, dans ce cas précis tout au moins. Ce dernier paraît presque intermédiaire pour mettre l’accent sur le poids des variables en relation avec les ensembles territoriaux.

Le choix des pays et des indicateurs est un autre problème à résoudre dès le départ. Pour cet exercice, qui s’appuie sur une «mauvaise» carte, l’intérêt était de montrer qu’avec les mêmes données et le même fond de carte, il était possible de faire une carte «utile» et facilement mémorisable. Néanmoins, cet exercice pourrait être proposé (aux lycéens, étudiants, etc.) pour les 27 pays de l‘Union européenne en prenant en compte soit les quatre indicateurs, soit d’autres afin d’approfondir cette question de la crise. Ainsi, en prenant en compte les 27 pays de l’Union européenne, d’autres répartitions spatiales auraient pu apparaître. Dans une carte récente des écarts de richesse entre les citoyens des 27 pays de l’Union européenne (Pommier, 2010), une opposition forte se dessine entre des pays avec un PIB bien inférieur à la moyenne comme les anciens pays de l’Est (des pays Baltes jusqu’à la Bulgarie), auxquels s’ajoutent la Grèce, Chypre et le Portugal, et les pays «riches» de l’Ouest (depuis les pays scandinaves jusqu’aux pays méditerranéens en passant par les pays germaniques). À l’image de l’opposition Europe du Nord/Europe du Sud à partir de l’Union européenne à 12, l’Union européenne à 27 ne donnerait-elle pas à voir une opposition Europe de l’Est/Europe de l’Ouest, réactivant par là même l’ancienne partition territoriale de l’Europe de la Guerre froide?

Quoi qu’il en soit, cet exercice démontre qu’une carte «utile» peut aider, au moins, à essayer de comprendre la crise et sa répartition spatiale aujourd’hui. Trop de «mauvaises» cartes, et ce malgré des outils de plus en plus performants, circulent encore, et même de plus en plus. La facilité à réaliser les cartes, grâce à des logiciels libres, et à les donner à voir, sur support numérique notamment, devrait nous inviter à «faire moins mais mieux» (Bord, 2012).

Bibliographie

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BERTIN J. (1977). La Graphique et le traitement graphique de l’information. Paris: Flammarion, coll. «Nouvelle bibliothèque scientifique», 277 p. ISBN: 2-08-211112-1

BORD J.-P. (1995). «La carte, outil de manipulation». In CAMBRÉZY L., DE MAXIMY R., La Cartographie en débat. Représenter ou convaincre. Paris: Orstom, Karthala, coll. «Hommes et sociétés», 198 p. ISBN: 2-7099-1269-4, ISBN: 2-86537-606-0

BORD J.-P., BLIN É. (1995). Initiation géo-graphique ou comment visualiser son information. Paris: Sedes, 284 p. ISBN: 2-7181-9326-3

BORD J.-P. (2012). L’Univers des cartes. La carte et le cartographe. Paris: Éd. Belin, coll. «Mappemonde», 208 p. ISBN: 978-2-7011-5781-8

CAUVIN C., REYMOND H., SERRADJ A. (1987). Discrétisation et représentation cartographique. Montpellier: GIP Reclus, coll. «Reclus modes d’emploi», 116 p. ISBN: 2-86912-010-3

CHAVAGNEUX C. (2011). «Quand un État est-il trop endetté?». Alternatives Économiques Hors-série, n° 091.

CORDONNIER L. (2012). «Dette publique, la conjuration des bonnes idées». Le Monde diplomatique, 22 février 2012. (consulter)

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Le Nouvel Observateur du 10 au 16 novembre 2011 n° 2453 - Dossier intitulé «Spécial Crise 20 pages» en page de couverture, et avec des vignettes «spécial Crise» en haut des pages paires 40 à 66.
Carte dont le Nouvel Observateur m'a gracieusement autorisé la reproduction; je tiens à adresser au magazine tous mes remerciements.
Carte Construction européenne (1957-2010), atelier de cartographie de Science Po, Roberto Gimeno, extraite du n° 45 de la revue Questions internationales, «L'Europe en zone de turbulences», septembre-octobre 2010, p. 9.
Les trois premiers sont donnés en pourcentage du PIB.
Site INSEE «Le Système Statistique Européen (SSE)».
«Les cartes typologiques insistent davantage sur les combinaisons spécifiques, réalisées dans chacune des portions de l'espace, que sur les éléments analytiques de base qui ont permis de les définir… ce qui est cartographié, ce sont catégories, ou types, du phénomène» (Joly, 1976, p. 193).
L'ACP a été réalisée par Christophe Évrard, maître de conférences à l'université Paul-Valéry Montpellier 3, UMR GRED, que je remercie.

Rappel: le coefficient de corrélation linéaire de Bravais-Pearson est un nombre sans dimension compris entre -1000 et +1000, permettant de mesurer l'intensité de la liaison de deux caractères quantitatifs. Coefficient positif: les variables évoluent dans le même sens; Coefficient négatif: les variables évoluent en sens opposé.

Exemple: r = -727 entre la dette publique et le taux de croissance, ce qui signifie  que quand la dette publique augmente, le taux de croissance diminue et inversement, quand la dette publique diminue, le taux de croissance augmente.

Actuellement, seul le logiciel SPAD Profiling propose avec Amado un module de traitement graphique des données basé sur la complémentarité des techniques d'analyses factorielles et des méthodes graphiques développées par Jacques Bertin, 1977 (site SPAD).