Les élections provinciales de 2014 en Nouvelle-Calédonie
Tous les cinq ans, des électeurs néo-calédoniens sont amenés à renouveler les trois assemblées provinciales et le congrès de la Nouvelle-Calédonie, territoire qui dispose d’un statut à nul autre pareil au sein de la République française (Gay, 2009). Pour l’élection du 11 mai 2014, 106 652 électeurs sont allés voter sur les 152 433 du «corps électoral spécial aux élections provinciales». Plus de 22 000 autres en ont été exclus, ne remplissant pas les conditions d’accès à ce corps électoral, notamment d’ancienneté de résidence en Nouvelle-Calédonie (cf. tableau 1). Les mois qui ont précédé cette élection ont été marqués par les rivalités entre indépendantistes et non-indépendantistes à propos de ces listes électorales spéciales et du travail des Commissions Administratives Spéciales (CAS) chargées d’examiner les demandes d’inscription et de radiation dans tous les bureaux de vote de la Nouvelle-Calédonie. La participation a été légèrement plus faible qu’en 2009 (70% contre 72%), alors que, paradoxalement, les enjeux étaient plus importants, puisque les élus du congrès, au cours de cette mandature quinquennale (2014-2018), organiseront la délicate sortie de l’accord de Nouméa (photo 1). Durant cette période dite référendaire, un à trois scrutins d’autodétermination, mobilisant les électeurs du «corps électoral spécial au(x) scrutin(s) référendaire(s)», devrai(en)t décider du transfert des compétences régaliennes (défense, police, justice, défense, monnaie et diplomatie) et donc de l’accession, ou pas, de la Nouvelle-Calédonie au rang d’état souverain.
Photo 1. Épave de voiture à Lifou (Loyauté). L’espoir d’une indépendance dès 2014 de la Nouvelle-Calédonie rebaptisée Kanaky (KNKY) par les indépendantistes |
La mobilisation a été la plus forte en province Sud (72%) et la plus faible en province Nord (66%). Dix-sept listes – contre vingt-quatre en 2009 – étaient en course pour renouveler les 76 membres des assemblées des trois provinces. Six listes s’affrontaient en province Sud, cinq listes en province Nord et six listes dans la province des îles Loyauté (carte 1). Les provinces n’ont pas changé de camp. La province des îles Loyauté et la province Nord demeurent entre les mains des indépendantistes et continueront d’être présidées respectivement par Néko Hnepeune et Paul Néaoutyine. Aux îles Loyauté, 12 des 14 élus sont indépendantistes. En province Nord, 18 sur 22 le sont également. En province Sud, les indépendantistes gagnent du terrain avec 7 élus sur 40. Chez les non-indépendantistes, c’est le parti «Calédonie ensemble» qui l’emporte avec 16 sièges, ce qui a porté Philippe Michel à la présidence de la province la plus peuplée et la plus riche de Nouvelle-Calédonie. Émanation des assemblées provinciales, le congrès de la Nouvelle-Calédonie reste entre les mains des non-indépendantistes, en léger recul toutefois puisqu’ils n’ont plus que 29 élus sur 54, contre 31 pour la mandature précédente. La présidence du congrès est revenue au leader du Rassemblement-UMP (RUMP) Gaël Yanno et celle du gouvernement à Cynthia Ligeard (RUMP), première femme à la tête de cette institution collégiale dans laquelle la minorité est représentée.
Carte 1. Carte des résultats des élections provinciales du 11 mai 2014 |
En dépit de ces changements, avec 59% de voix non-indépendantistes et 41% indépendantistes, le rapport entre les deux camps n’a que très peu changé depuis 1995, bien que l'on constate une timide progression des indépendantistes entre 2009 et 2014. La carte de 2014 (carte 1) est presque le calque de celle de 2009 (Mappemonde, 2009, n°2). Le sud-ouest de la Grande Terre est toujours le bastion non-indépendantiste, alors que le reste de la Nouvelle-Calédonie est très majoritairement indépendantiste, ce qui s’explique par la répartition des communautés. En effet, les Kanak sont très majoritairement indépendantistes tandis que les Européens sont très largement contre l’indépendance. Les résultats sont spatialement tranchés, puisque sur les 33 communes néo-calédoniennes, seules six d’entre elles ont les deux camps compris entre 30 et 70%. Les indépendantistes dépassent les 90% dans sept communes. Inversement, les non-indépendantistes dépassent les 80% dans cinq communes, dont les quatre de l’agglomération de Nouméa qui regroupent plus des deux tiers de la population de la Nouvelle-Calédonie. Le vote souligne l’opposition entre la province Nord et la province Sud, le cas de la commune Poya étant emblématique. Unique collectivité territoriale française coupée en deux par une limite de niveau administratif supérieur, les électeurs de sa partie septentrionale, en province Nord, sont aux deux tiers indépendantistes, contre seulement 2% de ceux de sa partie méridionale, en province Sud.
Méthodologie pour l'élaboration de la carte
Afin d’établir cette carte, nous avons utilisé les chiffres officiels fournis par le haut-commissariat de la République en Nouvelle-Calédonie. Nous avons divisé les listes en présence en deux camps, indépendantistes et non-indépendantistes, et calculé les valeurs relatives commune par commune à partir des suffrages exprimés.
Je remercie Céline Chauvin, géographe-cartographe pour l’élaboration de cette carte.
Références
BONVALLOT J., GAY J.-C., HABERT É. (coord.) (2012). Atlas de la Nouvelle-Calédonie. Marseille-Nouméa: IRD et Congrès de la Nouvelle-Calédonie, 269 p. ISBN: 978-2-7099-1740-7
CHAUCHAT M. (2011). Les Institutions en Nouvelle-Calédonie. Nouméa: CDP de Nouvelle-Calédonie, 306 p. ISBN: 978-2-3503-6116-1
FABERON J.-Y. (2012). Des Institutions pour un pays. La Nouvelle-Calédonie en devenir. Aix-en-Provence: Presses universitaires d’Aix-Marseille, 291 p. ISBN: 978-2-7314-0808-9
GAY J.-C. (2009). «Les élections provinciales de 2009 en Nouvelle-Calédonie», Mappemonde, n°2 [en ligne].
GAY J.-C. (2014). La Nouvelle-Calédonie, un destin peu commun. Marseille: IRD éditions, 238 p. ISBN: 978-2-7099-1748-3