Cartographier les mobilités pour analyser l’organisation spatiale
de l’Andalousie
La mobilité est l’une des dimensions constitutives de l’organisation spatiale des sociétés modernes [1]. Par ce phénomène, on peut appréhender des formes très diverses de relations entre lieux, activités et sociétés (Bericat, 1994). La mobilité est donc une variable clé pour décrire différents niveaux d’organisation spatiale. Elle rend possibles les interactions entre différentes entités territoriales en facilitant les échanges, et la spécialisation et la complémentarité fonctionnelles, ce qui permet d’affirmer que le niveau de développement d’une société donnée est lié à l’intensité des mobilités.
Les variables et les éléments qui permettent de décrire la mobilité sont nombreux: la mobilité résidentielle, la mobilité domicile-travail, celle des aires de chalandise, les flux de biens et de services interentreprises, celles qui sont dérivées de l’usage des équipements et des services publics, etc. Néanmoins, il existe un consensus pour souligner la pertinence toute particulière de la mobilité domicile-travail (commuting) et de la mobilité résidentielle [2] pour l’analyse de la portée et de l’ampleur des nouveaux processus urbains, et ce pour deux raisons. D’abord, d’un point de vue pratique, il s’agit de variables auxquelles on peut accéder de manière relativement aisée et directe par les recensements. Ensuite, sur un plan plus théorique, ces données reflètent de manière synthétique un élément fondamental des nouveaux processus urbains: la différenciation spatiale des lieux de résidence et de travail (Harvey, 1989).
L’objectif du présent article est d’explorer quelques pistes de modélisation et de représentation cartographique permettant d’aboutir à une meilleure connaissance de la mobilité des personnes et donc de l’organisation spatiale de l’Andalousie. Cette région du Sud de l’Europe s’étend sur 87 000 km2 et compte 8 millions d’habitants. On ne prétend pas proposer ici une interprétation approfondie de la structure et de l’organisation du système urbain andalou. Sur ce thème, nous indiquons quelques références bibliographiques. Mais nous souhaitons montrer comment la modélisation et la représentation cartographique de la mobilité contribuent à mieux les comprendre (fig. 1).
1. Le système urbain andalou : aires métropolitaines et villes moyennes |
Nous mobiliserons à cette fin trois types d’indicateurs, avec un niveau de détail croissant: la densité de mobilité (en utilisant un modèle d’estimation du noyau) figurée par des plages de couleurs; le degré d’appartenance (ou d’intégration) spatiale des municipalités en fonction de leurs mobilités, calculé grâce à des opérateurs diffus et représenté sous forme de cartes choroplèthes; et, des cartes de flux entre paires d’unités territoriales.
L’application successive de ces trois types de traitement aux deux formes de mobilité des personnes (domicile-travail et résidentielle) permettra, dans un premier temps, de tester les ressemblances et les différences entre elles, puis d’en tirer quelques conclusions pertinentes sur les formes et les échelles d’organisation spatiale de l’Andalousie.
Densités de mobilité
2. Une représentation de la mobilité résidence-travail (méthode du noyau) |
3. La mobilité résidentielle (méthode du noyau) |
Pour commencer, il faut présenter la matrice intermunicipale de flux: une matrice carrée qui, pour l’Andalousie, fait 770 lignes et colonnes. Nous avons eu accès aux données du recensement de 2001 (mobilité domicile-travail et mobilité résidentielle), grâce à un programme financé par l’Institut statistique d’Andalousie (Feria, Susino, 2005; Feria, dir., 2008). Pour la mobilité domicile-travail, le recensement est l’unique source: il n’y a ni source alternative, ni information plus récente. Pour la mobilité résidentielle, on pourrait en théorie exploiter les données dites de «changement résidentiel» (Estadísticas de variaciones residenciales) et obtenir une matrice municipale pour des dates plus récentes, mais les difficultés méthodologiques et pratiques rendent pour l’instant la chose impossible. Il faut d’ailleurs souligner qu’il nous semble plus cohérent d’utiliser des sources et des dates-cibles identiques pour les deux types de données, ce qui permet une analyse parallèle de l’évolution des deux variables.
Pour toutes ces raisons, les données que nous utilisons pour la mobilité résidentielle sont issues des recensements. Sont pris en compte les individus ayant déclaré en 2001 une municipalité de résidence différente de celle de 1991. Il est impossible de prendre en considération les éventuels changements de résidence entre ces deux dates car ils ne sont enregistrés nulle part.
Une première représentation des deux formes de mobilité que nous étudions peut être proposée en utilisant les densités de mobilité interpolées (méthode du noyau, encadré 1).
Les résultats obtenus nous permettent une première approche du phénomène. La première constatation est que les hauts niveaux de mobilité cartographiés sont très étroitement corrélés aux zones de forte densité de population (fig. 2 et 3). Les valeurs absolues de la mobilité sont assez logiquement liées aux volumes de population. Il y a peu de différences entre les deux types de mobilité, bien qu’un examen plus attentif permette de voir que la mobilité domicile-travail est plus discriminante.
Quoi qu’il en soit, les cartes offrent une vision convergente: elles soulignent que les lieux de mobilité la plus forte sont les deux zones majeures de peuplement de la région: le littoral et la vallée du Guadalquivir. À l’inverse, la Sierra Morena dans toute la partie Nord et le tiers oriental de l’Andalousie apparaissent comme les aires de mobilité la plus faible, inférieure même à celle observée dans les zones non littorales de la cordillère Pénibétique.
En prenant en considération la structure du système urbain, on constate aussi, logiquement, que dominent les aires métropolitaines andalouses, zones où se produisent les plus intenses mobilités de la région. Il s’agit, dans l’ordre d’importance, de Séville, de Málaga associée à Marbella (leurs aires sont coalescentes), de la baie de Cadix-Jerez, de Grenade, de Cordoue, d’Almería, de Huelva, de la baie d’Algésiras et enfin de Jaén. C’est dans ces dix aires métropolitaines que se déploient le plus intensément les deux formes de mobilité que nous étudions. Nous les analyserons plus en détail par la suite.
Mais, parallèlement, les cartes soulignent l’émergence d’un groupe significatif de villes moyennes qui, au deuxième niveau de la hiérarchie urbaine, apparaissent comme de nouveaux foyers de mobilité en Andalousie. Les analyses des navettes (Feria, Susino, 2005) ont montré que, si, en 1991, seules trois villes moyennes pouvaient être considérées comme des foyers de mobilité, il y en avait cinq fois plus au recensement de 2001 (14 villes). À quoi s’ajoute, pour la majorité de celles-ci, une montée significative du niveau d’interdépendance, ce qui se traduit par une montée générale des volumes, tant relatifs qu’absolus, de populations qui se déplacent vers ces municipes pour y travailler.
4. Aires d’influence des villes moyennes au regard de la mobilité domicile-travail |
Ce sont des villes de rang intermédiaire qui correspondent à des profils bien différenciés. Le premier profil, le moins représenté, comprend des municipes où s’est enclenché un vigoureux processus de développement local (Caravaca et al., 2002) et qui constituent, en conséquence, des foyers d’emploi pour des zones toujours plus larges de leur environnement territorial. C’est surtout le cas d’El Ejido (agriculture et industrie horti-fruiticole), de Lucena (meuble et froid industriel) et, dans un moindre mesure, de Macael (marbre) et d’Estepa (industries alimentaires). Cela montre la capacité de ces systèmes productifs locaux à se constituer en éléments structurants à l’échelle comarcale.
Le second sous-groupe est constitué de neuf centres que l’on peut qualifier de «centres comarcaux historiques»: Ronda, Antequera, Motril, Linares, etc. (Feria, 1992), lieux centraux traditionnels (Berry, 1971) pour leur arrière-pays. Ce rôle de lieu central était encore il y a peu modeste, du fait de la prépondérance des capitales provinciales. Il s’est récemment renforcé, du fait d’une active politique de décentralisation des fonctions et des équipements publics de niveau intermédiaire, mais aussi du fait d’un développement et d’une diversification des activités productives. Cela a, par la suite, consolidé l’attractivité de ces villes (emploi, mobilité résidentielle) pour leurs zones d’influence respectives (Feria, 2003) (fig. 4). Au total, on constate que l’ensemble des mobilités étudiées contribue à et témoigne de la structuration d’un niveau intermédiaire du système urbain andalou jusqu’ici dominé par les capitales provinciales, ce qui le rend plus équilibré et mieux articulé.
La mobilité analysée par les opérateurs flous
La représentation des volumes absolus de mobilité et des densités associées est un moyen assez élémentaire d’entrée dans l’analyse de l’organisation spatiale. Il convient de proposer une démarche plus élaborée pour avancer dans l’interprétation.
5. Valeurs d’appartenance municipale pour la mobilité domicile-travail |
6. Valeurs d’appartenance municipale pour la mobilité résidentielle |
La logique floue nous offre, à cette fin, un support théorique (Gale, Atkinson, 1979; Feng, 2009) et un outil d’analyse quantitative qui nous permet d’évaluer les liens entre chaque unité spatiale — ici les municipes — en fonction de leur niveau de mobilité. La méthode (encadré 2) nous permet d’obtenir une valeur entre 0 et 1. La valeur est élevée quand la mobilité de la population du municipe de référence vers un autre municipe est forte. Autrement dit, l’indicateur donne une valeur de la relation d’appartenance de chaque municipe à l’ensemble ou à un élément de l’ensemble.
La représentation en cartes choroplèthes à échelle municipale (fig. 5 et 6) pour toute l’Andalousie donne des résultats plus précis que ce qu’on avait pu obtenir avec les densités de mobilités (volumes absolus de mobilité). On voit que les grandes aires de mobilité ont tendance à s’estomper, ce qui fait que, par exemple, la Sierra Morena présente des valeurs assez élevées; elle se situe ainsi à un niveau intermédiaire, tandis que la Campagne andalouse (Campiña andaluza) apparaît comme un grand ensemble de moindre mobilité relative.
On voit clairement, en comparant les deux types de mobilité, que la mobilité domicile-travail a une capacité discriminante plus grande: les différences sont notoires entre les zones où cette mobilité est très présente — surtout les aires métropolitaines — et celles où elle n’est pas très significative. La mobilité résidentielle, de son côté, n’accuse pas de contrastes aussi vigoureux: il y a de vastes zones caractérisées par des valeurs intermédiaires, parmi lesquelles on trouve (ce qui est significatif) quelques ensembles montagneux de la région.
Le fait marquant qui apparaît sur ces cartes est la confirmation que dans les aires métropolitaines andalouses la mobilité joue un rôle affirmé. Cela dit, il existe des nuances entre ces aires. Dans les aires de Grenade et surtout de Séville, on observe une auréole autour du municipe central, pour les deux formes de mobilité. Dans les autres aires métropolitaines, même si les valeurs observées sont supérieures à la moyenne, les auréoles sont moins marquées et moins étendues que dans les deux précédentes.
À Séville — lieu où l’ampleur et l’intensité des mobilités sont les plus fortes de toute l’Andalousie — si l’on calcule les valeurs par rapport au centre, on obtient une image très claire de la forme et de l’intensité de l’organisation métropolitaine (fig. 7). La structuration en couronnes concentriques est particulièrement nette pour la mobilité domicile-travail, un peu plus complexe pour la mobilité résidentielle, pour laquelle se mélangent des mouvements de relocalisation intramétropolitains avec des flux migratoires traditionnels ville-campagne.
La mobilité exprimée par les flux
7. Valeurs d’appartenance au municipe de Séville |
La représentation cartographique de la mobilité sous forme de flux de lieu à lieu est, elle aussi, très efficace pour appréhender et analyser l’organisation du territoire.
Le volume d’information disponible étant considérable, il convient d’identifier les processus et les échelles les plus pertinents dans lesquels se déploie la mobilité dans notre zone d’étude.
En ce qui concerne la matrice de flux domicile-travail et son évolution entre 1991 et 2001, nous pouvons identifier trois faits significatifs: une croissance forte de la mobilité à longue distance; la montée d’un groupe solide de villes intermédiaires, foyers de mobilité (déjà signalé plus haut); et enfin, l’amplification et l’intensification de la capacité d’articulation territoriale des plus grandes villes andalouses (Feria, Susino, 2005; Feria, dir., 2008).
En revanche, pour la mobilité résidentielle, la croissance, en Andalousie (comme dans le reste de l’Espagne) a pour moteur quasi-unique les aires métropolitaines.
Les résultats sont assez similaires aux échelles intra ou interprovinciales. Les mobilités métropolitaines augmentent, à défaut ce sont les mobilités intraprovinciales qui croissent au détriment des autres. Concrètement, l’accroissement des mobilités résidentielles dans les aires métropolitaines a été de plus de 30% (1991-2001), alors que les migrations interprovinciales ont baissé de 5% (Feria, dir., 2008).
En définitive, l’essentiel de la croissance des changements résidentiels relève de la mobilité résidentielle métropolitaine. Le reste de la mobilité migratoire s’articule aussi aux aires métropolitaines, qu’il s’agisse d’une mobilité rurale-urbaine en voie d’essoufflement ou de la mobilité interurbaine qui, elle, augmente légèrement.
Ces constatations nous permettent d’orienter l’analyse et la présentation des résultats à deux échelles significatives:
8. Mobilité domicile-travail de longue portée |
Pour ce qui est des flux de longue portée, les données sont parlantes (fig. 8). Si nous prenons comme référence la mobilité domicile-travail interprovinciale (nombre de flux supérieurs à 100 personnes), nous constatons une multiplication par trois en dix ans: on passe de 23 à 70 flux entre 1991 et 2001. Quelques constatations: il ne s’agit jamais de flux très importants (ils ne sont jamais supérieurs à 1 000 personnes), la grande majorité se signale par des valeurs de 100 à 300 travailleurs. Mais il faut prendre en compte les grandes distances parcourues. D’ailleurs, seule une part très réduite de ces liens concerne des municipes ou comarques proches (ou jointifs) appartenant à des provinces différentes.
Le fait le plus marquant — mais parfaitement logique — est que cette mobilité à longue distance exprime, avant tout, les liens entre les aires métropolitaines, ce qui construit un réseau très asymétrique d’interrelations. L’asymétrie provient de la capacité particulière de certains pôles, et en premier lieu de Séville, à structurer ces flux: la métropole concentre les quatre flux supérieurs à 500 personnes et cinq flux bidirectionnels avec les grandes villes de la région. Málaga, pour sa part, joue un rôle moins important avec des flux moindres en volume mais répartis sur l’ensemble de la hiérarchie urbaine.
9. Les migrations entre aires métropolitaines (1991-2001) |
Les flux migratoires intrarégionaux ont une composante interurbaine dominante (fig. 9). La structure se développe et devient clairement réticulaire, bien que quelques aires périphériques comme Huelva et Jaén aient des relations plus faibles avec les autres foyers métropolitains. Le système apparaît, là encore, dominé par les aires métropolitaines de Séville et surtout de Málaga qui est le principal foyer d’attraction migratoire de l’Andalousie.
Ce sont donc les aires métropolitaines [tableau] qui structurent, de manière écrasante, les mobilités dans la région. Nous utilisons la définition et la délimitation standard des aires métropolitaines (OMB, 1998; Casado, Coombes, 2004), utilisée aussi pour l’ensemble de l’Espagne (Feria, 2008).
Si l’on s’attache aux dynamiques internes, il faut signaler que deux de ces aires, Cordoue et Jaén, caractérisées par une nette surreprésentation des activités administratives et de services liées à leur fonction de capitales provinciales, ont une position modeste. L’influence des mobilités y est naissante, surtout pour la mobilité résidentielle, ce qui atteste de la faiblesse du marché du logement. L’aire urbaine de Cordoue a néanmoins donné, au cours de la dernière décennie, des signes indubitables de développement, et de renforcement d’un marché du travail de nature plus métropolitaine.
10. La mobilité dans l’aire métropolitaine de la baie d’Algésiras |
11. La mobilité dans l’aire métropolitaine de la baie de Cadix-Jerez. |
Une singularité du système métropolitain andalou est l’existence de deux aires de nature réticulaire, dépourvues de pôle dominant: la baie de Cadix-Jerez et la baie d’Algésiras. L’une et l’autre se sont constituées à partir d’un ensemble de villes de taille moyenne qui, de plus en plus interdépendantes, se sont constituées en aires métropolitaines, avec des niveaux d’intégration et de complexité croissants. Leur évolution est aujourd’hui différenciée. La plus petite de ces aires, la baie d’Algésiras (fig. 10), qui s’est développée pendant les dernières années grâce à l’activité portuaire et à la pétrochimie, tend à se structurer en deux ensembles (Algésiras-Los Barrios et La Linea-San Roque) alors que simultanément se renforce la centralité d’Algésiras au sein de cet ensemble. La baie de Cadix-Jerez, quant à elle (fig. 11), caractérisée par une base économique où se conjuguent tourisme et industrie, et où, en partie, la structure du peuplement est plus complexe, semble aller vers un modèle radicalement réticulaire, avec une moindre prédominance du municipe de Cadix (150 000 habitants), une plus grande intégration de celui de Jerez (180 000 habitants) et un rôle de plus en plus important de Puerto Real et surtout d’El Puerto de Santa Maria.
Sur la côte méditerranéenne, on distingue trois aires métropolitaines aux caractéristiques très différenciées: Málaga, Marbella et Almería. Malgré cela, une analyse plus fouillée permet de constater que les couples Málaga-Marbella d’un côté (fig. 12) et Almería-El Ejido de l’autre présentent des caractéristiques justifiant un traitement conjoint. On trouve, dans les deux cas, des municipes charnières entre les couples de villes: Fuengirola-Mijas, dans le premier cas, et Roquetas-Vicar, dans le second, qui ne se rattachent pas clairement à l’un des deux centres concernés. Dans l’un et l’autre cas, le niveau de complexité structurelle et organisationnelle est élevé: l’aire urbaine la plus petite est la zone de plus fort dynamisme économique, le foyer d’emploi principal, et domine l’autre ville. C’est le cas de Marbella, centre de l’activité touristique de l’Ouest de la Costa del Sol, qui l’emporte sur Málaga, comme d’El Ejido (capitale de la puissante industrie horti-fruticole du Ponant) par rapport à Almería.
12. Mobilité domicile-travail dans l’aire métropolitaine de Malaga-Marbella |
13. Mobilité résidentielle dans l’aire métropolitaine de Grenade |
Les trois aires métropolitaines restantes ont un modèle d’organisation clairement centralisé. Huelva, malgré sa taille modeste — autour de 200 000 habitants — semble avoir une position de métropole fermement assise, tant du point de vue du marché du logement que de la distribution des espaces productifs majeurs: le pôle industriel pétrochimique de Huelva est situé dans le municipe voisin de Palos de la Frontera. De son côté, Grenade (fig. 13), dont la base économique repose sur les services et sa fonction de grand centre universitaire (un ensemble d’activités toutes situées dans la ville-centre), est dotée d’une auréole métropolitaine où domine clairement la fonction résidentielle et où l’on trouve les valeurs de mobilité les plus élevées de toutes les zones équivalentes en Andalousie. Les changements observés au cours de la décennie ne modifient pas substantiellement ce modèle: ils se résument à une hausse des flux de sortie de la ville-centre et à la constitution d’un petit noyau fonctionnel au nord de l’agglomération — unique cas de mobilité qui s’exprime dans le seul cadre de l’auréole. L’évolution de l’aire métropolitaine de Grenade vers une plus forte intégration et une structuration plus complexe est évidente au cours de la décennie, bien que la petite taille de la majeure partie des municipes de la couronne périphérique (jamais supérieure à 20 000 habitants) et leur vocation exclusivement résidentielle ne permette pas d’assurer que se constituera à l’avenir une aire plus équilibrée et intégrée, spatialement et fonctionnellement.
À l’inverse, l’aire métropolitaine de Séville évolue vers des structures plus complexes et plus mûres. C’est la plus grande de toute l’Andalousie avec près de 1,4 million d’habitants. Son dynamisme est lié à sa fonction de capitale administrative de la communauté autonome, centre d’activités commerciales et de services comme d’activités industrielles émergentes (aéronautique, énergies renouvelables). Séville a vu se développer les flux les plus nombreux de toutes les aires métropolitaines, et, au cours de la décennie 1991-2001, les flux bidirectionnels significatifs se sont multipliés: ils touchent les deux tiers des municipes de la zone et correspondent aussi à la formation de noyaux d’activité dans la couronne périphérique métropolitaine, au nord, à l’ouest (Aljarafe) et à l’est (Alcores). Ces évolutions illustrent la formation de structures économiques plus décentralisées et, en conséquence, une augmentation de la mobilité résidentielle et quotidienne dans l’ensemble de l’aire métropolitaine (fig. 14). On commence d’ailleurs à pouvoir identifier des processus de déconcentration résidentielle au sein même de la couronne métropolitaine.
Conclusion
La mobilité est un phénomène qui se cartographie facilement. Décrire et expliquer sa distribution sont des tâches indispensables pour qui veut comprendre l’organisation des territoires.
14. Mobilité domicile-travail dans l’aire métropolitaine de Séville |
Nous avons voulu dans cet article explorer différentes manières de modéliser et de représenter deux types de mobilité individuelle (domicile-travail et résidentielle) pour mettre en évidence quelques aspects significatifs de l’organisation spatiale actuelle du système urbain andalou. Nous pouvons en tirer des conclusions intéressantes. Dans un contexte de mobilité individuelle croissante, multiforme et à toutes les échelles, la représentation cartographique nous permet d’identifier des différences considérables entre territoires.
C’est la mobilité domicile-travail qui est, spatialement, la plus discriminante: elle se concentre dans les aires métropolitaines. De plus, elle permet d’opérer des différences nettes d’organisation spatiale entre ces mêmes aires, et d’identifier une hiérarchie claire, depuis Séville — la plus grande et la plus complexe — jusqu’aux aires en cours de structuration comme Cordoue ou Jaén.
Pour sa part, la mobilité résidentielle permet de mettre en évidence des processus différents. On voit qu’à côté de la mobilité résidentielle intramétropolitaine existent des mouvements plus discrets mais significatifs, comme les flux interurbains, les flux campagne-ville ou, plus récemment des mouvements inverses ville-campagne. Tout cela fait qu’aujourd’hui la lecture directe du phénomène sur les cartes est moins facile que dans la période précédente.
En définitive, c’est un exercice qui nous permet d’avancer dans la connaissance de l’organisation spatiale régionale et qui ouvre de nombreuses perspectives d’analyses thématiques ciblées ou synthétiques pour appréhender l’ensemble du système territorial.
Traduit de l’espagnol par Denis Eckert (CNRS)
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